Les deuxièmes (Pow Pow) explore la liaison informelle qui unit les personnages principaux. Deux musiciens sont en vacances à l’étranger. L’homme habite la somptueuse résidence qu’un ami lui a prêtée en Europe, tandis que la femme est venue de Montréal lui rendre visite. Confinés à l’intérieur pour cause de pluie, ceux-ci se divertissent en jouant du piano, en mangeant et en faisant l’amour. Alors que les heures s’écoulent, le lecteur devient le témoin privilégié de ces moments intimes, mais aussi des frustrations qui s’en dégagent. Au fil des malaises et des non-dits, il finit par comprendre les limites de cette relation entre deux amants de deuxième ordre. Rencontre.
Quelle a été votre réaction au moment de recevoir ce Grand prix de la Ville de Québec ?
C’est vraiment cool. Je suis très contente. Je ne sais pas quoi dire d’autre, sinon que je suis contente.
C’est la deuxième fois que vous remportez ce prix. La première fois, c’était pour Apnée (paru en 2010). Cette fois, c’est avec Les deuxièmes. Vivez-vous cette expérience de manière différente ?
C’est sûr que chaque fois, c’est une expérience différente. Cette année, je me disais que j’avais des chances. Mais en même temps, tous les autres finalistes étaient très bons. Je ne sais pas trop quoi penser de tout ça, c’est encore trop à chaud. Mais je suis vraiment contente.
Vous avez mentionné que vous aviez conçu l’œuvre comme une nouvelle. Pouvez-vous développer cette idée ?
C’est une histoire où, même si ça se passe en près de 124 pages, il y a beaucoup de silences. Ça se déroule très lentement, ce qui fait en sorte que si on faisait une transcription en texte littéraire, j’ai l’impression que ça ferait plus une nouvelle qu’un roman. Ça passait plus par l’ambiance que par les détails du scénario. Mais j’aime ça quand même, et ça n’en fait pas moins un livre que les autres.
Mais la nouvelle est un genre aussi noble que les autres !
Oui, mais je le pense vraiment comme étant une nouvelle. Et en même temps, je me dis que j’aimerais ça faire un roman, moi aussi. C’est pour ça que j’ai parlé de Réal Godbout [lors du discours de remerciement]. Réal Godbout, a fait un travail de longue haleine, de recherche. C’était une adaptation d’un roman [L’Amérique ou le disparu, La Pastèque, d’après Franz Kafka], et c’est vraiment plus dans l’esprit du roman. Je trouve ça inspirant et j’aimerais faire un roman en bande dessinée, moi aussi.
Lors d’une table ronde au Rendez-vous de la bande dessinée de Gatineau (novembre 2013), vous avez dit que vous ne conceviez pas Les deuxièmes comme une œuvre érotique…
Oui.
C’est quand même une œuvre, disons, sexuelle ?
C’est une œuvre sur les relations. Il y aurait pu ne pas y avoir de sexe dedans, mais il y en a parce que ça fait partie de la relation des deux personnages. Mais ce n’est pas érotique, dans le sens où ce n’est pas une œuvre qui excite le lecteur. Ce n’est pas une œuvre qui est faite pour émoustiller le monde. Le sexe est là pour qu’on puisse comprendre ce qui se passe entre les personnages. C’est pour ça que je disais que ce n’est pas une œuvre vraiment érotique.
Êtes-vous surprise que cette œuvre « non-érotique », mais avec ce contenu sexuel, puisse être primée ainsi ?
Les gens sont ouverts d’esprit. Si le livre est bon, si l’histoire est bonne, peu importe ce qu’il y a de dedans, de trash, de sexe ou quoique ce soit, je pense que tout le monde a sa chance.
C’est la deuxième fois que vous remportez ce prix avec Pow Pow. Parlez-nous de votre collaboration avec cet éditeur.
J’ai eu la chance de travailler avec beaucoup d’éditeurs différents. Pow Pow est la seule maison d’édition avec laquelle j’ai plusieurs livres. Avec toutes les autres maisons d’édition, je n’ai qu’un seul livre. Certaines d’entre elles n’existent plus, ou d’autres, comme Mécanique générale, ont été mises en veilleuse pendant quelques années, donc je n’ai pu faire d’autres livres avec elles. Pow Pow, c’est spécial, pour moi, parce que je connais Luc Bossé depuis longtemps. Je le connaissais avant que la maison d’édition n’existe. Donc, avant d’être mon éditeur, c’est mon ami. C’est quelqu’un que j’aime beaucoup et qui s’investit, qui met beaucoup d’amour dans ce qu’il fait, et qui a une grande considération pour ses auteurs en tant que personnes. Il y a une dimension sociale dans Pow Pow que je n’ai jamais vue ailleurs, que je trouve vraiment le fun. C’est un projet où l’on se sent engagé. Je ne fais pas que réaliser mon histoire et la lui envoyer. Je suis incluse dans le processus. On sent qu’il veut vraiment que ça marche, et me faire plaisir à moi, en tant qu’auteure.
En terminant, vos projets à venir ?
Je suis en scénarisation. C’est trop tôt dans le processus pour que je puisse en parler. Mais il n’y aura rien avant 2016.
(par Marianne St-Jacques)
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