Il y a un parallèle à faire entre la couverture de cet album et celle du premier tome du Chat du rabbin : elles sont l’une et l’autre tirées d’une photo, celle de la mère de Joann Sfar, Liliane Hoftel, dite Lilou (1948-1974), tenant l’artiste bébé, Les deux couvertures s’en inspirent. L’auteur porte cette photo sur lui, depuis toujours. Cet album répond cette question : pourquoi cette vénération pour la figure maternelle alors qu’il ne s’en souvient guère ? Peut-on parler d’idolâtrie ?
L’idolâtrie, sujet de sa thèse avortée pour la Sorbonne, est au cœur de tout ce récit : Sfar a fait son métier de la représentation par l’image de l’humain (et de l’animal, de façon, comme de juste, passablement iconoclaste), ce qui est contraire aux préceptes talmudiques, un sujet discuté aussi bien avec le rabbin, qu’avec son père ou une psychanalyste.
Mais ce qui fait l’originalité de ce volume, c’est la pluralité des voix. L’auteur se représente à tous les âges : enfant, jeune adulte, auteur accompli récoltant les César, ou encore conversant avec une psychanalyste. Ainsi s’égrènent souvenirs et anecdotes sur la création, sur ses débuts dans la profession, quand il harcelait les éditeurs de ses sollicitations.
Il rend hommage à ses maîtres qu’il rencontre parfois : Sempé, Edmond Baudoin, l’auteur de BD pornographiques Lévis, René Pellos, Quentin Blake, Topor, Cabu, Reiser, Jack Kirby, Moebius…, ses compagnons de route comme l’elficologue Pierre Dubois, des éditeurs comme Jean-Paul Mougin ou Jean-Claude Camano, ses profs des Beaux-Arts ou de fac comme Jean-François Debord ou Clément Rosset.
Les Idolâtres est une passionnante et très belle réflexion sur la création menée par un grand auteur. Sans doute un de ses chefs d’œuvre.
Voir en ligne : L’expo Joann Sfar au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme à Paris
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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