Comme dans le précédent album de Ram V (voir l’interview du dessinateur), Grafity’s wall plonge ses personnages dans la métropole indienne.
L’histoire débute par une course poursuite entre Suresh et un policier ; 4 planches saturées de couleurs, sans dialogue. L’immersion dans le récit est immédiate.
Mumbai (ex-Bombay). La ville indienne ressemble à une gigantesque fourmilière, en constante croissance, en perpétuelle évolution, avec ses taudis que l’on démolit sans se soucier de ses habitants.
Dans ses rues, creusant leur chemin à travers la vie, la ville et ses murs, quatre adolescents y cherchent leur place, et les clefs de passage vers l’âge adulte, dans un monde où il est dur de s’intégrer, d’échapper aux déterminismes et de s’accepter.
Entre système D, espoirs, désirs et désillusions, Suresh, Jay qui bosse pour Mario et Chasm sont trois amis qui vont croiser la route de Saira près d’un mur décoré d’un graffiti réalisé par Suresh Naik (dit Grafity).
Chacun cherche des réponses et une voie à emprunter (peindre, écrire, jouer de la musique, devenir comédienne). Leurs rêves et leur vie se heurtent à la réalité quotidienne de la ville. L’art peut-il être une issue de secours pour des jeunes condamnés socialement ?
L’histoire de Grafity’s wall est-elle transposable dans n’importe quelle mégalopole du globe ? Oui, mais ce serait à la fois une histoire différente sans l’être. Mumbai occupe une place particulière dans l’album. Toujours présente en arrière fonds, la ville d’origine du scénariste, apparait dangereuse et inégalitaire, avec ses quartiers regroupant les plus pauvres dans des « chawl » (immeubles d’habitations pauvres, liés à l’histoire ouvrière de Mumbai), les trafics de drogue et la corruption à tout niveau.
Pourtant, le portrait de cette ville ne verse jamais dans le misérabilisme. C’est aussi une ville dense, colorée, où l’énergie de sa jeunesse résiste, à l’image du mur graffité par Sureh.
Les points forts de l’album : une histoire qui embarque le lecteur, des dialogues percutants (« l’avantage d’être au bas de l’échelle, c’est qu’on ne peut que monter » selon Jay, « tu rêves trop fort, ça fait peine à voir » d’après le père de Suresh) et surtout, une BD à la fois grand public qui sort des sentiers battus, fortement contextualisée et pourtant universelle dans les sentiments, les émotions et les difficultés auxquels se confrontent les personnages.
L’album comporte en bonus, une analyse du lettreur de la version originale, Aditya Bidikar, et du travail que celui-ci a opéré pour rendre les dialogues dynamiques par le graphisme. Focus intéressant sur un métier qui passe souvent inaperçu des lecteurs.
(par Christian GRANGE)
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