La bande dessinée de Poma a deux objectifs : faire la genèse du Groupe d’intervention de la Gendarmerie nationale et en expliciter le modus operandi. Pour ce qui est du premier point, les premières pages de l’album reviennent sur ses débuts : après la prise d’otages des JO de Munich en 1972, la France prend conscience de la nécessité de former un groupe d’élite capable de gérer sans dégâts collatéraux des situations qui impliquent des personnes armées et des civils en péril.
Ce groupe sera créé peu de temps après et sera entièrement pensé par un officier : le lieutenant Christian Prouteau. La première partie de GIGN 1973-1976 est un échange entre ce dernier et un journaliste venu l’interviewer pour réaliser un reportage sur le groupe. En plus de raconter les premiers mois du GIGN, Prouteau y détaille toutes les étapes de l’entraînement de ses agents. Il pose aussi certaines distinctions pas inintéressantes – par exemple, entre « assaut » et « intervention » - et développe en certains passages ce qu’il présente comme l’éthique du groupe : le but du GIGN est avant tout de préserver des vies, et non de tuer de façon irréfléchie.
Le premier problème de cet album est sa narration : les cinquante premières pages sont lentes, terriblement lentes. Il y a beaucoup de textes pour des explications qui n’intéresseront dans l’ensemble que des militaires en formation. Une planche sur la bonne manière de descendre un immeuble, une autre sur la méthode de tirs coordonnés employée par l’équipe d’intervention, une sur le temps d’attente nécessaire avant de jeter une grenade… Très franchement, on s’en serait bien passé.
Dire que cette bande dessinée est inintéressante serait faux ; le vrai souci, c’est que c’est un manuel de formation dépourvu de toute perspective critique. Rendez-vous sur le site du GIGN et vous trouverez probablement les mêmes formules.
La deuxième partie de l’album, qui raconte une opération réalisée non loin de Djibouti, n’est pas dépourvue de rythme, mais un autre problème demeure : le dessin. De bout en bout, les personnages sont raides, les décors inaboutis et les lumières criardes.
Chaque visage se ressemble : un amas de plis dépourvu d’émotions. Mais le pire est lorsque l’auteur s’essaye au portrait de personnalités connues. Son Belmondo (pp. 28-29), mon Dieu !... Parti en 2021, celui qui incarnait Sam Lion a dû se retourner cinq fois (c’est le nombre de fois où sa tête apparaît) dans sa tombe…
Si cette bande dessinée s’adresse à des lecteurs motivés pour qui le dessin importe peu, on doute qu’elle séduise plus que des gendarmes en devenir, et encore... il y a quelques bédéphiles parmi eux.
(par Hippolyte ARZILLIER)
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