Comment en êtes-vous arrivé à changer le registre de vos scénarios ?
D’une part, il y a sept ou huit ans, je me suis rendu compte que la BD allait entrer dans une période de crise. J’ai alors pris conscience que je devais absolument diversifier ma production si je voulais survivre en tant qu’auteur.
D’autre part, et c’est surtout là que se situe la vraie raison, c’est que pendant des années, personne ne voulait publier mes histoires réalistes.
Vos scénarios n’étaient même pas lus par les éditeurs ?
Ce n’était pas le cas de tous, car ce sont des éditeurs professionnels, mais... oui, c’est bien ce que je sous-entends. Même quand je les relançais, ils me faisaient croire qu’ils avaient lu, mais en fait non. Pour leur défense, je dois quand même préciser que lire un scénario, que ce soit de BD ou de cinéma, est un exercice assez exigeant car c’est très technique. Ce n’est pas du tout une partie de plaisir !
Quant à ceux qui lisaient mes histoires, même si ils reconnaissaient la qualité de mon travail, ils préféraient tout de même me voir continuer dans le tout public car mes albums de gags marchent assez bien.
Entre temps, j’ai quand même pu publier proTECTO qui a mis beaucoup de temps à se concrétiser en BD. Puis, Lydie à suivi. Ce fut le début de feu. Le hasard de la programmation a fait que cinq de mes histoires ont pu sortir de manière rapprochée. C’est dû au fait que telle histoire a trainé douze ans dans un tiroir avant d’intéresser quelqu’un. Ou qu’un dessinateur a été rapide sur tel scénario. Tel autre a, par contre, mis beaucoup plus de temps à dessiner le sien... Bref, tous ces aléas sont à l’origine de l’enchaînement des publications de mes albums. Le coup de génie de mon éditeur c’est qu’au lieu d’espacer les sorties de mes albums, il a décidé au contraire de les sortir de manière rapprochée pour marquer le coup et de communiquer là-dessus. Et ça a marché !
Comment avez-vous rencontré Oriol, le dessinateur de La Peau de l’ours ?
J’ai rencontré Oriol grâce à Jordi Lafebre, le dessinateur de Lydie. Nous avons d’abord débuté notre collaboration sur un recueil d’histoires [1] que j’avais écrit pour le magazine Spirou. Puis, je lui ai écrit un scénario-clé sur porte, en fonction de ses forces et faiblesses, ce qui a donné La Peau de l’ours. Je suis très satisfait de cette collaboration car ce récit a eu un beau parcours en librairie et en plus, c’était le premier album d’Oriol. Aujourd’hui, il travaille à nouveau sur une de mes histoires, écrite spécialement pour lui.
Pourriez-vous nous en dire plus concernant votre collaboration avec Frank Pé à propos du Spirou et Fantasio que vous réalisez avec lui ?
J’ai écrit un scénario basé sur une idée originale de Frank. Ceux qui connaissent son œuvre ne seront pas surpris d’apprendre qu’il y aura beaucoup d’animaux dans cette histoire. Nous retrouverons aussi le personnage de Noé vu dans l’histoire Bravo les Brothers. L’album devrait probablement paraître vers 2015 ou 2016.
Comment expliquez-vous les succès de Tamara et de L’élève Ducobu auprès du jeune public ?
Je suis une éponge et je m’imprègne de tous ce qui m’entoure. Je suis une personne sociable. J’aime faire des rencontres et j’essaie de faire preuve d’empathie afin de mieux comprendre les émotions des gens. Et au moment de l’écriture, tout cela ressort.
Je pense aussi que je suis un auteur qui met vraiment son travail au service de l’histoire. J’essaie de m’effacer derrière mes personnages. Lorsque le public vient me voir en dédicace, il ne vient pas pour moi mais pour mes personnages. Néanmoins, j’observe un changement aujourd’hui car grâce ou à cause de mes livres ado-adultes, les gens viennent plus me voir moi.
Enfin, j’essaie de ne pas trop lire les articles me concernant dans la presse. Que je fasse du bon travail ou non, ce qui m’importe c’est de me projeter dans le futur.
Votre bestseller demeure L’élève Ducobu. Son succès a été soutenu par la réalisation de deux films dont le premier a particulièrement bien marché au cinéma. Aujourd’hui, il y a un spin-off consacré à l’Instit’ Latouche qui est toujours en librairie. Pouvez-vous nous en parler ?
C’est sur une demande de mon éditeur que ce spin-off a été réalisé. Je ne m’occupe pas du scénario car je suis déjà bien occupé avec mes autres séries et projets. J’ai confié ce travail à mon ami Falzar, l’auteur de Zozoland, avec qui j’ai commencé ma carrière d’ailleurs [2]. La BD fut publiée dans le sillon des films et tout se passe très bien. L’éditeur et les auteurs sont contents.
Votre envie de diversification vous poussera-t-elle à écrire pour d’autres médias, comme c’est le cas de Joann Sfar, par exemple ?
C’est assez complexe car je suis arrivé là où j’en suis grâce aux succès de mes séries tout-public et dans une moindre mesure en terme de ventes, à mes histoires plus adultes. Je suis comblé et je me demande alors pourquoi changer les choses ?
D’un autre côté, il y a de plus en plus de projets d’adaptations de mes histoires pour le cinéma ou la télévision et je me dis que travailler sur ces projets ou d’autres serait un bon challenge. Je pourrais y trouver un nouveau souffle en tant qu’auteur.
Par contre, je ne pense pas que j’écrirais un roman un jour, car je crois que la BD est un médium avec énormément de qualités et il a toute sa valeur. C’est comme quand les gens viennent me trouver pour me dire que ma dernière BD est tellement bien qu’elle mériterait une adaptation en film, comme si la BD avait moins de mérite que le cinéma ! Je ne partage pas cette vision des choses. Je ne suis pas contre des adaptations d’un médium à un autre mais je n’approuve pas cette hiérarchisation dans le domaine de la création.
À l’instar de Jean Van Hamme qui a écrit le scénario du prochain film de Largo Winch ou comme Robert Kirkman, aux USA, qui s’implique totalement dans l’adaptation de son comic book à succès Walking Dead en série TV, souhaiteriez-vous être plus partie prenante dans les prochaines adaptations de vos BD afin de mieux maîtriser vos univers ?
Oui et c’est déjà le cas mais cela va aussi dépendre des plannings et des délais. Si c’est pour laisser en plan un dessinateur, comme c’est le cas d’un auteur que je connais et qui se retrouve malheureusement sans travail parce que son scénariste adapte une de ses BD pour le cinéma, j’estime que cela n’en vaut pas la peine. Tous les dessinateurs n’ont pas la chance de travailler sur une série à succès comme Ducobu, par exemple, ce qui fait qu’ils ne touchent pas beaucoup de droits d’auteur chaque année. Nous, scénaristes, avons une responsabilité vis-à-vis de nos collègues dessinateurs. Mais si c’est faisable, je le fais. Je travaille d’ailleurs sur deux séquenciers. Par contre, je ne sais pas si cela se matérialisera en film. Ce n’est pas parce que Ducobu s’est fait que le reste va forcément suivre. On verra bien.
Propos recueillis par Christian Missia Dio
(par Christian MISSIA DIO)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
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[1] La Vieille dame qui n’avait jamais joué au tennis & autres nouvelles qui font du bien.
[2] Ils ont débuté le métier de scénariste de BD ensemble sous le nom des Potaches. On leur doit entre autres les albums d’Oscar Pluche publiés chez Casterman, ainsi que plusieurs histoires dans le journal de Spirou.
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