Le manga GTO alias (Great Teacher Onizuka) est une véritable réussite mondiale, traduit dans de nombreuses langues, comprenant plusieurs séries parallèles, elle a été adaptée en dessins animés. Les lecteurs en redemandent.
Comment avez vous conçu l’idée originale de GTO ?
Plusieurs de mes connaissances sont enseignants, j’ai donc eu tout le loisir de discuter longuement avec eux lors de la création de GTO. Ils m’ont révélé des anecdotes cachées, des histoires qu’ils s’échangeaient qu’en salle de profs ainsi que des histoires propres à l’actualité au Japon dans le domaine de l’éducation.
Mon idée était de créer un personnage, un professeur, totalement différent des enseignants que l’on trouve habituellement, quelqu’un avec une approche différente, aux antipodes des caractéristiques courantes du métier. Un individu qui pourrait faire face aux pires voyous que l’on peut trouver dans certains lycées, un personnage charismatique qui, par son passé, aurait déjà été confronté à des problèmes relationnels. Tous ces ingrédients réunis ont donnés naissance à GTO.
Onizuka, votre personnage central, a tendance à fumer énormément. Êtes-vous fumeur vous-même ? Peut-on fumer librement dans les établissements scolaires au Japon ?
Comme vous l’avez deviné, je suis bien fumeur. Cela m’apaise car le boulot n’est pas de tout repos. Au Japon, certainement comme ici, il est strictement interdit de fumer à l’école. C’est d’ailleurs pourquoi nous en profitons une fois à l’extérieur.
Quels sont les mangas qui vous ont marqué et que vous lisez volontiers ?
Comme beaucoup de gens, j’ai énormément aimé Dragon Ball, l’univers sensationnel qu’Akira Toriyama a su développer pendant de nombreuses années. Un univers d’individus aux pouvoirs surdimensionnés qui influença toute une génération.
L’autre manga qui m’a particulièrement marqué est bien entendu Akira de Katsuhiro Ōtomo, une référence pour tout mangaka, marquée par une haute qualité graphique ainsi qu’une grande richesse scénaristique. Le thème phare d’Otomo était de montrer une jeunesse perdue pourtant pleine d’énergie et d’idéalisme.
D’ailleurs le héros de l’histoire n’est autre qu’un petit délinquant de banlieue.
Sa fougue et sa ténacité l’ont placé au premier plan de l’histoire. Il y a donc des ressemblances entre le style de Katsuhiro Ōtomo et le mien.
J’ai également apprécié la série Bakuman, qui reprend le thème du jeune adolescent qui décide de tout abandonner pour devenir mangaka.
Vous démontrez avec vos personnages, et c’est fréquemment le cas dans les mangas Seinen, que la souffrance est nécessaire pour grandir et devenir plus fort. Pensez -vous qu’il faille irrémédiablement devoir souffrir pour avancer dans la vie ?
Les problèmes relatés dans GTO, sont les mêmes que ceux rencontrés par beaucoup d’élèves et d’étudiants qui ont du endurer ce passage de l’adolescence vers le monde adulte. C’est en effet un tremplin pour pouvoir mûrir.
J’ai tenté d’y ajouter une touche originale, et plutôt que de centrer le sujet sur les souffrances des adolescents, j’ai cherché justement une autre manière de faire face aux difficultés que chacun doit endurer pendant cette phase de la croissance.
J’imagine que vous travaillez avec un Tantô, un éditeur.
Quel est son influence sur la façon dont vous racontez vos histoires ?
C’est mon premier lecteur ! Avec mon équipe, nous créons le manga et puis nous lui soumettons et, suite à cela, il produit son compte rendu, ce qu’il faut corriger. Lorsqu’on crée un manga, nous tentons d’imaginer la réaction de notre éditeur, les éléments qui peuvent le faire rire et le surprendre. Ce feedback est essentiel et primordial.
Quel est le nombre de pages que vous devez réaliser chaque mois ?
Actuellement, j’en réalise entre 80 et 90 par mois. D’ailleurs, le fait que je vous accorde cette interview est pour nous une véritable tragédie car nous ne produisons pas de planches pendant ce temps-là. Mon éditeur est derrière vous, voyez la tête qu’il tire et vous aurez tout compris ! (rires)
La série GTO est mondialement reconnue, vous avez des fans de par le monde entier. Comment vivez-vous cette reconnaissance du public ?
Je suis particulièrement ravi et ému que cela plaise autant. Dans une premier temps, je ne pensais pas que cela prendrait de telles proportions. Je suis étonné que mon public aime ce personnage qui peut paraître détestable de prime abord.
En dehors de Moebius, quels sont les autres auteurs européens que vous connaissez ?
En fait, j’aimerais en connaître davantage mais je n’ai aucune notion de la langue françaises ou anglaise. Je me suis donc contenté d’apprécier graphiquement un certain nombre d’œuvres de chez vous mais sans pouvoir les lire étant donné que je ne connais pas votre alphabet. Je ne peux même pas vous citer le nom des auteurs !
Vous avez pu rencontrer vos fans en France comme en Belgique, que pensez-vous de la vision qu’ont vos admirateurs ici par rapport à votre public au Japon ?
À vrai dire, je constate peu de différences entre mon public européen et japonais, mes fans semblent apprécier mon travail pour quasiment les mêmes raisons. Les personnages préférés des Japonais et des Européens semblent indiquer que vous avez les mêmes goûts. J’en suis agréablement surpris.
Propos recueillis par Marc Vandermeer. Merci à Sarah Mercadier au traducteur mis à disposition par Japan Expo.
(par Marc Vandermeer)
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