Les liens entre mangas et comics de super-héros ne datent pas d’hier. On peut penser aux différentes tentatives d’adapter les uns au lectorat des autres, comme par exemple la version japonaise de Superman dessinée par Tatsuo Yoshida (le futur créateur de Speed Racer) en 1959 ou celle de Batman datant de 1966, par Jiro Kuwata [1].
Marvel n’est pas en reste, avec en 1970 le Spider-Man de Ryōichi Ikegami, le co-créateur de Crying Freeman [2], qui n’a été que partiellement traduit en anglais.
Des auteurs de manga ont également travaillé directement travaillé pour le marché américain. Le projet le plus célèbre reste probablement le Wolverine : Snikt ! par Tsutomu Nihei, le créateur de Blame !. Publiée en 2003, cette mini-série continue à être rééditée jusqu’à aujourd’hui. On peut remarquer que cette nouvelle édition sort chez Panini Manga et non Comics, comme d’ailleurs sa V.O., actuellement publiée non par Marvel mais par Viz, le bras armé de Sueisha et de Shogakukan à l’étranger.
Marvel et DC ont plusieurs fois essayé de proposer des titres à l’esthétique manga créés par des auteurs occidentaux. Des labels, toujours éphémères, ont été créés, mais la majorité des titres sont depuis oubliés. On pourra citer le label Tsunami de Marvel en 2003 [3], dont ne surnagera que la série Runaways par Brian K. Vaughan et Adrian Alphona, adaptée quinze ans plus tard pour la TV [4].
N’oublions pas Ame-Comi Girls, une série de comics DC inspirés de statuettes féminines de ses héroïnes, publiés en 2012-2013. On peut constater qu’à ce niveau-là, l’influence manga se résume à la morphologie filiforme des personnages et à la taille des bustiers.
Que ce soit en France ou aux États-Unis, les ventes de mangas éclipsent celles des comics — et en particulier celles des comics de super-héros [5]. On pourra d’ailleurs trouver ironique que ce soit Marvel, avec son défunt label Epic Comics, qui ait jadis publié la première version occidentale du Akira de Katsuhiro Otomo, qui reste l’un des chefs-d’œuvre du manga [6].
Marvel et DC poursuivent donc leurs tentatives de capter le lectorat de mangas, que ce soit en choisissant un format familier pour les jeunes lecteurs (DC vient d’annoncer la sortie prochaine de versions "compactes" de certains de leurs titres) ou par la traduction en anglais de nouveaux mangas consacrés à leurs personnages (DC et Kodansha collaborent actuellement et Viz publie des mangas Marvel).
Les lecteurs français ne seront pas en reste, puisqu’au moins un de ces nouveaux titres, Spider-Man : Fake Red, va être traduit chez nous. Cette version de l’homme-araignée est par ailleurs inspirée du jeu PlayStation 4 Marvel’s Spider-Man. La synergie n’est pas un vain mot dans l’univers impitoyable des super-héros.
Si le succès commercial est cette fois-ci au rendez-vous, nul doute que ce genre d’initiative se multipliera dans les années à venir.
(par François Peneaud)
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L’image en tête de cet article provient de la version américaine de Spider-Man : Fake Red, publiée en juin dernier. Elle est dessinée par Yusuke Osawa.
[1] Reprise en 3 volumes par DC entre 2014 et 2016 sous le titre Batman : The Jiro Kuwata Batmanga.
[2] Voir un récent article à ce sujet.
[3] Wolverine : Snikt !, bien que créée par un auteur japonais, en faisait d’ailleurs partie.
[4] La plus récente édition française de cette excellente série date de 2020.
[5] Il suffit de se balader dans les couloirs d’un collège pour constater que les jeunes générations lisent en immense majorité des mangas, un peu de franco-belge et quasiment pas de comics.
[6] Encore plus ironique : Akira fut alors publié en version retournée dans le sens gauche vers droite, colorisé et en tranches mensuelles d’une soixantaine de pages. Autrement dit, au goût des lecteurs américains de l’époque.