Comment aborde-t-on un artiste comme Alan Moore ?
Cela a été la première difficulté : comment porter un regard, au premier abord simple, puis dans un deuxième temps plus complexe, tout en restant dans des sujets dans lesquels nous pouvions être à l’aise ? Dès le départ, tout ce qui était de l’ordre de la magie, de la kabbale, nous ne voulions pas y entrer, car nous ne les maîtrisions pas assez. Je ne voulais pas tomber dans ce piège-là. La question s’est aussi posée avec Jean-Marie Derscheid, le commissaire de l’exposition : quel accès aurions-nous aux œuvres ? Une fois ces deux points dégrossis, on s’est dit : c’est bon, on peut y aller. Ce qui ne nous a pas empêché de rencontrer de multiples difficultés.
Quelle est l’idée maîtresse de l’exposition ?
C’est l’exposition d’un scénariste, Alan Moore. Avec Jean-Marie, on voulait qu’il soit présent en permanence en s’appuyant sur les quatre œuvres génériques connues du grand public, non pas comme alibi, mais pour donner un premier accès qui peut être simple et accessible vers une autre lecture, d’où tous ces extraits d’interviews d’Alan Moore qui survolent l’expo. La seule personne qui est autorisée à être là, au-dessus des dessins, c’est lui. On a voulu que le spectateur soit en permanence dans les mots, dans la tête d’Alan Moore. Il y a un vrai rapport entre ce qui est projeté et ce qu’il y a accroché. On n’est pas dans le didactique, dans le making of classique, ce qui est projeté, ce sont les mots. En bas, c’est son œuvre.
Quels sont les documents les plus importants que vous avez pu réunir ?
Je vais dire : tout, car le pari de départ était un peu osé : nous voulions que l’intégralité des œuvres accrochées au mur soient des originaux, il y en a plus de deux cents, pour les quatre sections, prêtées le plus souvent par les auteurs eux-mêmes, ce qui montre leur implication. Et puis, il y a les manuscrits de Moore en vitrine. Le geste d’Alan Moore, on l’a par la voix -grâce aux interviews- et par son stylo. Dans la partie Watchmen, c’est quand même assez sublime d’avoir le premier courrier d’échanges entre Moore et Gibbons. C’est génial qu’il l’ait gardé et qu’il nous l’ait prêté.
Je suppose que vous ne connaissiez pas tout Alan Moore avant d’aborder cette expo ?
J’en suis encore loin ! Ce qui m’a frappé, c’est la différence de perception entre l’imprimé et l’œuvre originale. Pour From Hell, par exemple, il y a sur les originaux une texture, un travail du trait et de la hachure dont je suis complètement fan. On le trouve dans le livre quand on s’y met en immersion, mais sur les originaux, c’est carrément sublime. Sur les pages de Watchmen, cela a été très difficile de choisir. Ce qui m’a le plus effrayé, et en même temps le plus séduit jusqu’à la dernière minute, ce sont les mots. En cherchant et en lisant le maximum d’interviews d’Alan Moore. Avant, j’étais respectueux et amateur de son travail, mais maintenant, je suis devenu complètement fan de la personne. Il est sublime. C’est le genre de personnage qui fait du bien à entendre.
Propos recueillis par Didier Pasamonik
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Le site et le programme complet de l’événement
Les expositions durent pour la plupart jusque fin mai 2014.
Le week-end BD, c’est aujourd’hui jusque dimanche soir : 11, 12 et 13 avril 2014.
Photos : D. Pasamonik (L’Agence BD)