L’illustrateur toulousain Serge Birault s’est fait connaître grâce à ses illustrations de pin-ups aux formes généreuses, aguichant malicieusement le lecteur au milieu de tentacules et de références multiples : au rock, aux mangas et comics de super-héros, au cinéma...
Chez lui, la femme n’est jamais un objet sexuel, mais plutôt un personnage à poigne, magnant les armes blanches ou les baguettes à l’encontre de toute créature échappée d’un monde lovecraftien acidulé, finissant souvent en sushi.
Vous avez plusieurs pseudonymes : Serge Birault, Papa Ninja, Sergeï Birovsky, maintenant Serge Vandecramps. À un moment il va quand même falloir choisir !
Eh bien, je ne me suis marié qu’une fois, donc je vais garder ce dernier pseudo. Sinon, sur internet, on se trouve des petits surnoms. Suivant les endroits dans le monde, on m’appelle différemment en fait. C’est assez rigolo, en Amérique du Sud, personne n’arrive à prononcer mon nom, donc tout le monde m’appelle Papa Ninja, comme cela au moins c’est clair, c’est vrai que ce surnom-là m’a pas mal suivi. Et puis le nom "Vandecramps" vient de ma femme, qui a pris ce petit pseudonyme, donc je me suis senti obligé de prendre le même.
Tout d’abord, pouvez-vous nous remettre dans le contexte : qui est Dean Yeagle, qui a préfacé votre artbook ?
C’est un illustrateur qui, pendant très longtemps, a travaillé pour Playboy, et qui a créé un personnage emblématique de cette période-là, qui s’appelle Mandy, et qui à côté de cela, est un gars absolument charmant, génial, tendre, affectueux, super généreux (rires)... En fait, il m’avait envoyé un message il y a quelques années, qui disait : "J’aime beaucoup ce que tu fais, cela correspondrait bien à Playboy..." Il a essayé de me pistonner pour bosser pour Playboy aux États-Unis, cela ne s’est pas fait. Mais depuis plusieurs années, nous papotons toutes les semaines par mail. Il suit donc ce que je fais, et reste une de mes principales influences. Il a donc très gentiment accepté d’écrire ma préface. À la base c’est Maëster qui devait l’écrire, mais celui-ci était un peu occupé, il m’a dit quelques semaines avant : "Désolé, Serge, je n’ai pas le temps", et Dean me l’a écrite dans la journée, donc je n’ai pas perdu au change. Maëster a un emploi du temps très rock’n roll en ce moment, je m’entends très bien avec lui, il n’y a pas de problème, c’est aussi quelqu’un de très gentil à la base. Mais c’est vrai que j’ai du bol, parce qu’à part Hajime Sorayama, car il est plus difficile d’entrer en contact avec des japonais, mais cela va peut-être se faire cette année, j’ai rencontré à peu près toutes mes idoles de jeunesse, et cela se passe très bien avec eux, donc c’est cool !
Ils sont aussi fans de vous ?
Je ne sais pas si c’est à cause de cela (rires)... La première fois que j’ai rencontré Maëster, j’étais en mode groupie, je sautais partout en disant : "Mon dieu, Maëster, j’y crois pas !" Pareil quand j’ai rencontré Jean Mulatier, le premier bouquin que j’ai acheté avec mon argent de poche, c’était un livre de Mulatier, qui en plus, est l’homme le plus adorable du monde. En tout cas, humainement, cela se passe très bien.
Votre style pourrait être résumé à "pin-ups à gros nichons avec des tentacules autour", cette description vous convient-elle ?
Oui. Cela résume assez bien, je n’ai pas de grosses ambitions artistiques, à partir du moment où des gens commencent à mettre mes images en fonds d’écran, je me dis que j’ai atteint mon but, j’ai bien fait mon boulot.
Comment avez-vous eu l’opportunité d’éditer votre artbook chez CFSL Ink ? (écoutez bien, les jeunes, faites pareil après !)
Oui, écoutez bien, il suffit d’attendre, en fait ! (rires)
Ce n’est pas vous qui les avez démarché ?
Non, je ne démarche rien ni personne, pour le boulot, j’attends que cela tombe. Après, il faut se créer les opportunités, il faut faire en sorte de ne pas avoir besoin de demander. Je n’étais pas vraiment parti pour éditer l’artbook en France, j’avais plutôt des propositions d’éditeurs américains, japonais, chinois... Au moment où CFSL Ink m’a demandé, j’étais en train de me dire que j’allais signer chez des Américains. Après, cela m’arrangeait de le sorti en France, pour des raisons légales et autres, c’était plus pratique, et puis chez CFSL Ink, ils éditent en général de bons bouquins. En plus, j’avais ma petite bande qui éditait aussi chez eux, comme Jean-Sébastien Rosbach et Pascal Blanché.
Vous étiez aussi membre de la communauté à la base...
Oui, mais je ne suis pas très impliqué dans la communauté, car je ne suis pas très franco-français, en fait. Je ne suis pas fan du style français en général, ce n’est pas ma tasse de thé, après il y a des qualités et des choses magnifiques sur CFSL, c’est juste que ce n’est pas ma culture, même si j’ai grandi avec la bande dessinée franco-belge. Mes inspirations sont plutôt américaines et japonaises.
Dean Yeagle résume bien votre style de nana dans la préface, "entre le beau et le drôle : un peu trop loin du côté drôle et elle ne sera pas jolie. Un peu trop du côté de la beauté et elle perd son âme". C’est un dosage que vous avez mis du temps à peaufiner ?
Je ne me suis jamais trop posé la question, il s’agit plutôt du côté technique de la chose. Très souvent, on essaye de faire des pin-ups très lisse, très belles, très inexpressives. Cela ne m’intéresse pas car techniquement, cela n’est pas intéressant à produire. Je préfère travailler sur des pin-ups plus expressives, quitte à ce qu’elles fassent des grimaces. D’un autre côté, mon oeil va être plus attiré par des filles qui ont un physique à part.
Vous êtes présent sur plusieurs sites communautaires sur internet : CFSL, CGHub, CG Talk... Vous sentez-vous plus d’affinités avec certaines communautés qu’avec d’autres ?
Oui. Après, il faut voir en fonction de ses ambitions, car le principal intérêt de poster sur ces forums-là, c’est moins d’avoir des retours, que de surtout faire sa promo. En fait, c’est super faux-cul, comme méthode. C’est idéal pour les freelance, car les images se diffusent beaucoup à partir de ces forums, et ensuite, selon ses intérêts et l’endroit où on veut se faire sa promo, il vaut mieux poster sur un forum plutôt que sur un autre. CFSL, c’est franchement ciblé franco-français, c’est écrit en français, tout le monde y parle français, donc si vous voulez faire votre promo à l’étranger, cela ne sert strictement à rien. Deviantart est plutôt chaotique, on y retrouve tout et n’importe quoi, donc ce n’est pas idéal pour y faire sa promo, la majorité des gens qui y vont sont des ados de 15 ans plutôt que des professionnels du milieu. Enfin, dans les gros forums qui peuvent être utiles, CGHub est actuellement l’endroit où il faut être. Avant c’était CGTalk, mais pour ceux qui travaillent en 2D, le forum est à présent complètement mort. Pour la 2D, CGHub est l’endroit que je recommande, mais cela devient tellement gros qu’il faudra probablement en trouver un autre très rapidement. C’est un peu le problème des forums : à un moment, il y a tellement de mondes, que les créateurs qui mériteraient d’être en "front page" ont de moins en moins de chance d’y être, donc ceux qui sont moins mis en avant changent de forum, c’est ce qui s’est passé quand les gens sont partis de CGTalk pour aller vers CGHub.
Vos nanas ont des courbes parfaites, et des décolletés pigeonnants. Vous n’avez jamais franchi le pas d’aller vers le nu, pourquoi ?
Cela ne me poserait pas de problème de créer ce genre de dessins, je n’en dessine pas car je n’ai pas le temps ni l’opportunité. Mais créer du nu, de l’érotique, voire du porno, ne me dérangerait pas. Mais mon média principal est quand même internet, donc à partir du moment où je poste une image, je n’ai plus aucun contrôle dessus. Ayant des enfants qui n’ont pas encore l’âge d’aller sur internet, ils sont mon garde-fou. J’aime l’idée que mes gamins puissent passer derrière mon écran sans être choqué par ce que je dessine. Actuellement, ils ont 5 et 6 ans, quand ils passent derrière moi, ils trouvent mon image, à la limite, "marrante".
Il va donc falloir attendre 13 ans avant que vous ne dessiniez du nu ?
Mais même, je n’en dessinerai pas, à part dans un cadre de diffusion particulier, par exemple pour des expositions, car le public est ciblé, les visiteurs savent pourquoi ils viennent. Sinon, éthiquement, je n’ai aucun problème avec l’érotisme ou le porno. Quand je serai vieux, quand tout cela sera loin derrière moi, j’aurai peut-être envie de les dessiner (rires).
Vous dessinez les filles très souvent dans la même position, de trois quarts vers la gauche. Vous ne vous renouvelez pas trop, là !
Je me fais la remarque parfois. Naturellement, c’est comme cela. Je ne sais pas si c’est dû au fait que je sois droitier ou gaucher, je pense que c’est surtout en opposition du sens de lecture (de gauche à droite), pour rencontrer le regard.
Donc, pour l’Asie, vous allez imprimer vos créations à l’envers ?
(rires) Mais c’est vrai que c’est un élément qu’il faut combattre, quand je fais des croquis, je dessine sans trop réfléchir, puis j’inverse mon image régulièrement, déjà pour vérifier la symétrie, mais aussi pour changer d’axe de temps en temps. Mais c’est vrai que naturellement, je les dessine toujours dans le même sens. Ensuite, concernant le regard, personne ne me fait la remarque, mais je les dessine quasiment toutes avec les yeux alignés sur l’horizon. C’est à cause du fait que je n’utilise pas de perspective, car je me suis aperçu que pour remplir l’image au maximum, c’est plus efficace de ne pas utiliser de perspective pour les pin-ups. J’ai effectué des tests pour arriver à cette conclusion. Les illustrations qui fonctionnent le mieux sont celles où la fille prend le plus d’espace dans l’image. C’est très bête, mais ce procédé fonctionne automatiquement, je refais le test régulièrement.
Avec un ou deux tentacules, cela aide à remplir l’espace...
Oui, cela aide à faire du remplissage aussi, c’est cela que vous voulez dire ? (rires)
Avant de vous attaquer au numérique récemment, vous avez déjà eu une carrière dans la peinture physique. Pourquoi avoir abandonné cette dernière, qu’est-ce qui vous a fait changer ?
Je n’avais pas franchement de carrière là-dedans, j’avais un peu gagné de sous pendant mes études, qui n’étaient pas des études d’art mais des études de droit. À l’époque de toute façon, il n’y avait pas le choix, le numérique n’existait pas encore, ou peu. Je me suis mis ensuite au numérique pour des raisons de facilité, en fait, car les techniques traditionnelles prennent du temps, demandent de l’espace, les fournitures coûtent excessivement cher, il faut acheter un compresseur pour l’aérographe, nettoyer le matériel... Encore aujourd’hui, cela semble viable car il y a encore des illustrateurs qui en vivent. Par exemple, sur le site Muddy Colors, je suis le seul qui soit en digital, les autres illustrateurs professionnels vivent uniquement de la peinture à l’huile. Mais personnellement, je ne me sentirais pas de travailler à la peinture, surtout avec les délais qu’on me donne.
Votre vie a changé quand vous avez découvert le ctrl Z [1] ?
Oui, cela offre une liberté complètement dingue, quand on a appris à peindre pendant des années à l’acrylique, à l’huile, à l’aérographe, quand on découvre qu’on peut recommencer, et faire des sauvegardes, c’est carrément magique. Après, quand on retourne au traditionnel, c’est vrai qu’on se demande où sont les deux touches (rires). Je vais me remettre au traditionnel, car je prépare une exposition à Paris dans deux ans, j’y vais doucement : je redessine, je peins à l’acrylique, jusqu’à ce que je puisse me remettre à l’huile. J’ai deux ans devant moi, mais j’avoue que je suis un peu anxieux.
Comment expose-t-on et vend-t-on une oeuvre numérique ? Et surtout où est la notion d’original ?
C’est un peu délicat. Nous, les professionnels du digital, essayons de nous rattraper sur le nombre. Au lieu de vendre très peu de copies chères, on en édite beaucoup, mais peu chères. J’ai un imprimeur américain qui s’occupe de tout, chaque poster coûte entre 20 et 40 dollars, en super bonne qualité, mais cela reste quand même de la copie. Ils sont vendus à un prix dérisoire, en comparaison avec des super impressions tirées à une centaine d’exemplaires, à partir de peintures à l’huile. En définitive, cela revient au même.
Vous êtes également professeur d’art graphique, en quoi le fait d’enseigner a pu influencer votre production artistique ?
Bonne question. Les artistes de ma génération se sont retrouvés avec un problème : quand nous avons ouvert le logiciel Photoshop pour la première fois, nous n’avions rien, pas d’internet, pas de bouquin. Nous avons du apprendre tous seuls, donc de travers. Je suis toujours incapable de dire à quoi servent la moitié des boutons de Photoshop, je ne connais aucun raccourci clavier, cela fait un peu bizarre d’enseigner (rires). J’avais appris avant à utiliser correctement l’aérographe, donc cela a été facile pour moi de m’adapter, je n’ai fait que trasnsférer ce que je savais déjà, en numérique.
Je pense que c’est important d’aiguiller les jeunes dans les écoles, pour qu’ils ne perdent pas de temps. J’interviens surtout dans l’organisation du travail, car c’est la seule chose que je peux enseigner, je ne peux pas en faire de meilleurs peintres, ils ont juste besoin de pratique. Je leur montre comment je travaille, dans quel ordre, comment définir les lumières, établir leur influence sur les couleurs. C’est important de leur enseigner cela, pour qu’ils ne perdent pas de temps comme moi j’ai pu en perdre. Concernant les outils en eux-mêmes, je me sers du pinceau, de la gomme, trois réglages pour les couleurs et les contrastes. Je ne sais même pas à quoi sert le reste, et cela ne m’intéresse pas. Cela fait beaucoup rire mes élèves, ils m’indiquent des raccourcis, mais moi je m’en fous ! (rires) Quand je dessine, j’ai ma tablette graphique sur les genoux, donc je suis loin de mon clavier, du coup il faudrait que je me penche pour appuyer sur les touches, cela m’emmerde. Je fais tout avec le stylet et cela va plus vite pour moi.
Vous êtes-vous intéressé à d’autres logiciels ?
La seule raison pour laquelle j’utilise Photoshop : d’abord, parce que je l’ai, et aussi pour des raisons de gestion de mémoire. Je travaille sur des très grands formats, c’est le seul logiciel qui me permet de travailler sur des formats A1. Sur Painter ou The Gimp, c’est impossible. C’est vraiment dommage car au niveau fonctionnalités, je me sens plus à l’aise avec The Gimp qu’avec Photoshop, je trouve les outils plus souples, notamment l’aérographe.
Le dessinateur chinois Benjamin nous disait justement que son principal problème était qu’il n’arrivait parfois plus à ouvrir des documents trop volumineux sur Painter.
C’est vrai, c’est ce qui arrive aux illustrateurs issus de la peinture classique, je me sens aussi plus à l’aise, au niveau du touché, sur le logiciel Painter, mais malheureusement, je ne peux pas travailler sur ce logiciel, uniquement pour des raisons de performance.
Des parents ont-ils protesté quand ils ont découvert votre art sur le PC de leurs enfants ?
Non, j’ai eu des message des parents qui me disaient qu’ils étaient content que j’enseigne à leur enfant, cela fait plaisir. Apparemment, leurs gamins étaient plus motivés depuis que j’étais là.
Comment réagissent les élèves féminines quand elles découvrent votre sujet de prédilection ?
Eh bien bizarrement, je vois à travers mes statistiques sur Facebook par exemple, que j’ai autant de fans hommes que femmes, dont pas mal de filles qui ne s’intéressent pas du tout à l’illustration, mais qui suivent ma production. Et généralement, quand je débarque dans les écoles, tout le monde sait que je suis marié, avec qui je suis marié, à quoi ressemble ma femme (rires). C’est assez rigolo car grâce à Facebook, quand j’étais au Mexique, les gens m’ont offert des cadeaux pour mes enfants, pour ma femme Chloé. Et généralement, les gens reconnaissent plus Chloé que moi.
Vous travaillez beaucoup à partir du visage de votre femme, comment gérez-vous cela, et n’avez-vous pas peur de vous lasser ainsi que vos fans avec ce même visage ?
Je suis un très très mauvais photographe, j’essaie de créer un "mix" à partir de plein de photos. À part Chloé, je n’ai pas mes modèles en face, et comme je ne veux pas copier de photos non plus, j’essaie de retrouver la physionomie de la demoiselle en extrapolant. Je procède de la sorte avec Chloé. Après, je ne sais pas si cela peut lasser, car d’un autre côté, je crée pas mal de travaux cartoons, j’essaye d’obtenir des rendus différents. J’adore travailler à partir de modèles, car le fait d’offrir une création à quelqu’un, me motive pour bosser, au moins pour mes travaux personnels, car professionnellement, c’est le fric qui me motive (rires). Mais pour avoir un minimum de production personnelle, je décide de faire plaisir à des gens. À part Chloé, j’ai Maria Gibson, en Suède, qui est mon modèle fétiche, à qui mes travaux font super plaisir. Et comme je n’ai pas énormément d’imagination, c’est sans doute pour cela que je crée des pin-ups, cela me donne des références pour savoir quoi peindre, en fonction des goûts de chacune. Je papote donc en général un peu avant avec elles. Mon modèle le plus délicat reste Chloé, car déjà, au niveau critique, elle est plus "hard core" que les autres, et puis cela la gêne de se voir partout. Par exemple, elle est gênée d’être sur la couverture de l’artbook, parce qu’on la reconnaît. D’ailleurs, Hubert de Lartigue en a fait une bonne, lors du workshop de CFSL, il m’a salué en disant : "Salut Serge, tu es venue avec ta modèle !" Et là, elle l’a regardé méchamment en lui répondant : "Non, je suis sa femme !".
Tant qu’on parle de votre femme, comment cela se passe, d’ailleurs, quand vous travaillez avec vos autres muses ? Vous êtes de corvée de vaisselle ? Vous lui devez une illustration pour compenser ?
Elle n’est pas jalouse pour deux sous, depuis le temps, elle est rodée, et c’est surtout que j’avais prévenu au début : "Désolé, je dessine souvent des filles à moitié à poil, j’ai parfois des modèles". Elle sait très bien que pour moi, c’est vraiment du boulot, je n’ai pas de fantasme particulier sur telle ou telle nana, mes goûts diffèrent vraiment de ce que je dessine. Maria a un visage complètement hallucinant, super difficile à peindre, c’est pour cela que c’est intéressant. La première fois que je l’ai vue, je me suis dit : "Celle-là, il faut que je la dessine". Et quand je dis que je ne suis pas du tout attiré par les gros seins, les gens me répondent : "Ah bon ?!!" (rires) Cette anecdote fait beaucoup rire Fred Beltran, qui est une de mes plus grosses références avec Maëster. Je dessine presque comme lui, je représente carrément des sphères. C’est juste plus rigolo à peindre.
Pour quel type de clientèle travaillez-vous ? Quel est le niveau de modification demandé par vos clients, en fonction des domaines ?
Je travaille pas mal pour le jeu vidéo, j’ai créé pas mal de character design pour de l’animation, pour les enfants. Généralement, je ne montre pas ces travaux car publier des illustrations pour enfants à côté de mes pin-up, ce serait bizarre, et concernant le jeu vidéo, je n’ai pas le droit de montrer mes travaux.
Dans quel domaine les clients sont-ils le plus casse-pieds ?
Dans la pub, c’est là où les budgets et les délais sont les pires. Je travaille souvent pour des intermédiaires, même pour les jeux vidéo, je ne sais même pas pour quel jeu je travaille exactement, et je n’ai pas le droit de dire pour quelle boîte non plus. Sinon, les plus clients les plus ch... sont les clients français, voilà pourquoi je ne travaille pas pour les Français.
D’où votre présence dans les communautés anglophones sur internet ?
Voilà, je le dis même à mes étudiants : "Évitez les clients français". J’ai eu un problème avec tous mes clients français. Tous ! Généralement pour être payé. Vous ne savez pas quand vous allez être payé, souvent une misère, et il faut râler pour tout.
Comment cela se passe, quand vous vous retrouvez face à des plagiats : coups de boule ou lettre d’huissier ?
Cela me fait rire, généralement. Le seul moment où cela peut poser problème, c’est si le plagiaire gagne de l’argent avec. Cela m’est arrivé une fois, en République Dominicaine, je me voyais mal envoyer un huissier là-bas, et je ne pense pas que le gars a gagné énormément d’argent. Mais le plagiat était tellement mal fait que cela en était drôle. J’ai un dossier plein de centaines d’images de plagiats, je les garde parce que cela me fait rire, et il s’agit le plus souvent de gamins sur Deviantart. De toute façon, quand je vois le nombre d’illustrateurs qui "chouinent" parce que leurs images ont été reprises pour des cartes de voeux en Gif animé tout pourri... À partir du moment où vous postez une image sur internet, votre travail ne vous appartient plus. À un moment, il faut faire un choix, c’est aussi pour cela que je ne poste que des travaux personnels, il n’y a ainsi pas de problèmes légaux qui se posent. Et quand vous postez votre image, vous vous doutez bien qu’elle sera reprise à droite à gauche dans des posters pour des soirées, j’en ai retrouvé dans tous les sens, et cela ne porte pas à conséquences à partir du moment où les gens ne se font pas un blé monumental dessus.
Il a été question à un moment que vous vous attaquiez à la bande dessinée. Où en est ce projet ?
Ce n’était pas un problème de rendu, j’avais un très bon scénariste, et nous n’aurions pas eu de mal à nous faire éditer, mais il faut être clair : cela prend trop de temps et n’est pas du tout rémunérateur. Et c’est de pire en pire, j’ai pas mal de potes qui travaillent dans la BD, et qui ont du mal à en vivre.
On peut observer dans votre artbook que vous avez tenté, avec réussite, quelques incursions dans le cartoon intégral, avec un rendu plus lisse, est-ce une voie que vous allez plus explorer ?
J’ai eu une demande directe du client : "On veut un truc qui n’a rien à voir avec ton style". C’était un magazine de musique classique suédois. À la base, il m’avait contacté pour créer un rendu très détaillé et réaliste, et au milieu des propositions que je leur ai envoyées, j’ai glissé cette image, qui leur a plu. Cela m’a fait plaisir, car on me demande toujours la même chose, c’est bien de changer de style de temps en temps. Mais pour mes travaux dans le dessin animé, je me rapproche plus de ce rendu, mais je n’ai pas trop l’occasion de montrer ce genre de commandes.
Quels sont vos projets ?
Je vais participer à plusieurs workshops, donc je vais beaucoup voyager, dans les deux prochains mois : Paris, Berlin, Madrid, Moscou et Londres. Et puis le Mexique et le Brésil, mais ce n’est pas encore sûr.
Voir en ligne : Le blog de Serge Birault
(par Xavier Mouton-Dubosc)
(par Thomas Berthelon)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
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En médaillon : Serge Birault. Photo © Thomas Berthelon
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