Comme vous nous l’avez confié l’année dernière, vous faites enfin de la bande dessinée ! Comment votre association à ce projet a-t-elle pris forme ?
C’est toute une histoire ! Au début de ma collaboration avec l’émission de Michel Drucker, un type m’écrit pour me demander mon avis sur ses dessins. Je lui ai répondu, mais à la deuxième lettre, je n’ai pas eu l’occasion de récidiver, et il m’en écrit donc une troisième en m’expliquant qu’il attend impatiemment ma réponse, mais il termine par un post-scriptum qui ressemblait à : « Dis, tu vas répondre, tapette ! » ou un truc dans le style. J’avais trouvé cela tellement gonflé que je suis entré en contact avec lui, et de fil en aiguille, j’ai vu ses dessins, puis j’ai publié Devig dans la collection que je dirigeais à l’époque chez Casterman : C’est pour offrir.
Deux albums sont effectivement parus : Humour noir et Râpé à mort !.
Oui, et par après, il a essayé de placer d’autres projets, mais qui malheureusement n’aboutissaient pas. Comme nous restions en contact, il m’appelle un jour pour m’expliquer le pitch de Scott Leblanc. Mon souci personnel, c’est que je ne suis pas capable de composer ainsi un scénario aussi long, mais cette histoire caricaturale sur fond d’années 1960 m’a tout de suite plu ! Il avait d’ailleurs un style graphique qui convenait merveilleusement au scénario. Je lui propose donc d’y mettre mon grain de sel. Je trouvais qu’il méritait tellement de percer, que je voulais le soutenir dans ce projet. Devig a été étonné et ravi de cette proposition, qui selon lui, permettait de mettre aussi un nom sur la série.
Pourtant, on met en avant un semblant de héros, sauvant des essais nucléaires et s’interposant comme le défenseur du pouvoir en place, ce qui est assez loin de vos idées défendues au quotidien !
Et en plus, cela sort l’année où l’on reconnaît enfin les dommages des victimes des essais nucléaires en Algérie ! Mais les aventures de Scott Leblanc sont avant tout un pastiche de la bande dessinée des années soixante. Il s’agit tout simplement d’une autre façon de faire passer mon humour.
Mais est-ce avant tout une série d’aventures ou d’humour parodique ?
C’est vraiment un ensemble. D’entrée, le dessin de Devig colle parfaitement à l’époque, dans un style parodique assumé. Nous avons repris ensemble le récit qu’il avait construit, pour faire de Scott Leblanc, un crétin fini avec son canari qu’il trimballe en permanence. Presque la globalité de l’action se déroule malgré lui, mais c’est tout de même ce con avec son canari qui va sauver les essais nucléaires : une nouvelle espère d’anti-héros, un bêta ! Bien sûr, j’ose croire que le public qui me suit depuis longtemps n’y verra sûrement pas l’apologie de l’arme atomique.
Concernant ce personnage truculent, j’y ai relevé peut-être une source de votre inspiration. Ce jeune journaliste s’extasiant toujours sur les relations entre célébrités et leurs animaux de compagnie, rappelle la caricature que les Guignols de l’info ont faite de Michel Drucker, au lancement de son émission de Vivement Dimanche !
Tout à fait franchement, c’est parfaitement subliminal, car je n’avais pas fait moi-même ce rapprochement ! Je vais bien sûr relire maintenant l’album avec cet angle de vue, mais … C’est horrible !!! Bien sûr, j’en ai fait un reporter très porté sur les animaux, mais au départ, je m’étais inspiré d’une rubrique d’un hebdomadaire belge, Ciné Télé-Revue, dans laquelle on photographiait une personnalité dite publique avec son animal de compagnie. A l’époque, j’avais un chien et un chat, et lorsqu’il m’avait appelé pour me proposer une rencontre lors de laquelle je devais poser avec mon animal préféré, j’ai accepté en précisant que je voulais faire cela aux Brasseries Georges [1] avec une douzaine d’huîtres ! Cela a choqué la rédaction, car le ton de la rubrique n’allait pas vraiment en ce sens. Mais comme j’ai tout de même un devoir de crétinerie, je ne pouvais faire autrement.
C’est donc ainsi qu’est née cette rubrique des Animaux et des Stars, couverte par le fabuleux Scott Leblanc !
Et dans le second tome que nous sommes en train d’écrire et qui s’intitulera Menace sur Appollo, notre fougueux reporter va faire un reportage sur les chiens de cinéma : Lassie et Rintintin entre autres. Cela va s’avérer passionnant ! Nous allons bien entendu continuer à développer le lien qu’il a avec son animal fétiche, et peut-être que sa maman, avec qui il habite, pourra jouer un rôle déterminant dans ce second tome, mais je vous en laisse la surprise !
En le lisant, on goûte tout le second degré que vous avez voulu y placer, tout en ne sachant pas vraiment si c’est une parodie assumée de l’âge d’or de la bande dessinée, ou un scénario d’aventure comique ?
Si le récit d’aventure est sans doute plus un prétexte pour les situations cocasses qui s’enchaînent, je pense qu’un enfant peut lire cela au premier degré, en ayant un peu peur pour les héros. Parce qu’il y a un vrai suspense, comme j’ai pu de nouveau m’en rendre compte en relisant dernièrement les épreuves !
Vous vous êtes tout de même lâché dans quelques séquences, en incluant quelques jeux de mots d’un goût plus douteux, mais qui font votre signature pour le public qui vous suit depuis longtemps.
Effectivement, à certains moments, c’est venu naturellement, et je ne pouvais pas étouffer mon propre humour. D’ailleurs, Devig m’a encouragé, car selon lui, il fallait bien qu’on puisse me reconnaître dans ce nouveau genre. Mais je me suis autant investi dans le registre de l’humour, que dans celui de la construction de l’intrigue, ce qui était donc essentiellement nouveau pour moi. Je dois vérifier que l’ensemble se tienne, placer les éléments au bon moment pour créer l’ambiance sans trop en dévoiler, afin que le lecteur soit accroché jusqu’au bout !
On vous sent heureux de vous mettre ainsi en danger. Auriez-vous envie de vous lancer dans une seconde série, si un autre auteur venait vous présenter un thème qui vous plairait ?
Non, car j’ai vraiment trop de choses en projet. Bien sûr, j’ai fort accroché aux pitches que Devig écrit pour les aventures de Scott Leblanc car il porte vraiment en lui cette époque faste, et me la fait vivre lorsque je vois les croquis aboutis qu’il me présente. Cela me permet de placer des personnages parfois forts en gueule, comme le professeur Moleskine, qui passe son temps à fumer, s’insurgeant qu’on ne le laisse pas assouvir sa passion dans l’aéroport. Par certains côtés, il rappelle bien entendu un autre barbu de la bande dessinée, au caractère trempé ! C’est ce qui m’attire, car on ne peut pas faire ‘cloper’ un personnage principal dans un album destiné à la jeunesse ! Et c’est pour cela que je le fais ! On se fout donc des convenances, en allant à contre-sens : on fait mourir un personnage important, le héros est un crétin, etc. C’est un album de contre-pieds, mais qui ressemble à un titre de l’âge d’or. Comme le Canada Dry !
Votre actualité, c’est aussi la parution d’un nouvel album regroupant les meilleurs gags du Chat !
C’est donc le cinquième best of du Chat, composé des meilleurs gags repris un peu partout dans les albums, enrichis de certains inédits, et de quelques dessins tirés des livres du Docteur G, qui n’ont pas eu la diffusion des albums du Chat. Bien entendu, il s’agit de la reprise en grand format du petit album que le Soir avait déjà édité, mais cela permet à la France d’avoir accès à cet album, ainsi qu’à ceux qui préfèrent le grand format, ou qui l’avaient raté à cette occasion. Sortiront prochainement les deux agendas du Chat, ainsi que le calendrier 2010 et le second calendrier perpétuel.
Eh oui, Noël approche ! Mais vous n’avez pas peur de submerger le public avec toutes ces sorties ?
Oui, c’est une de mes grandes craintes, c’est sans doute pour cela que je fais moins de télé ou de radio. Je ne veux pas me montrer en permanence, car je crains toujours de lasser mon public. Et comme j’ai peur de décevoir, je travaille énormément chacun de mes livres ou des calendriers/agendas qui sortent ! Je suis aussi fort accaparé par le dessin animé du Chat, dont on avait pu voir deux épisodes pilotes dans Vivement Dimanche ! Cela s’amorce fort bien, et je m’investis à chaque moment pour en faire une réalisation qui me colle parfaitement.
J’ai aussi vu dans votre atelier des piles d’un album que je ne connaissais pas : il semble reprendre vos grandes peintures inédites ?
Il se nomme d’ailleurs Peintures, et reprend effectivement les toiles grand format que j’avais réalisées pour des expositions. Ce catalogue d’une cinquantaine de pages est auto-édité sous le label, Rue Élise, l’adresse de notre ‘studio’ bruxellois, et sortira prochainement. Nous avions déjà édité un album particulier du Chat en anglais, God save the cat, reprenant une sélection des gags ‘traduisibles’ : nous devons effectivement évacuer toute une série de jeux de mots, ce qui rendait impossible la traduction simple d’un album existant. Outre quelques points de librairies anglophones, cet album de Rue Élise est disponible sur notre site internet, et un second tome en anglais est en préparation. Tout cela en attendant bien entendu, un nouvel album inédit du Chat pour 2010, et en français s’il vous plaît.
(par Charles-Louis Detournay)
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Tous les illustrations sont ©Geluck.
Photo : ©CL Detournay
[1] Haut-lieu de la gastronomie bruxelloise, spécialisé pour ses fruits de mer.
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