Pourriez-vous nous présenter le festival BD-FIL ?
Philippe Duvanel : BD-FIL est le festival BD de Lausanne. Il a été créé en 2005 et c’en est la neuvième édition. Pour ma part, j’ai pris le train en marche, car j’ai rejoint le festival en 2006. Nous avions créé ce festival suite à l’arrêt du festival de Sierre, qui était un des grands rendez-vous de la bande dessinée européenne, mais qui a malheureusement fait faillite. Peu à peu, notre festival a pris sa place et s’est bien intégré à son environnement. Notre point fort ce sont les expositions.
À l’affiche cette année, nous proposons une grande exposition rétrospective sur la carrière de notre invité d’honneur, Enrico Marini. Il y a aussi une exposition sur Les Mondes de Thorgal, la série-mère et ses différents spin-off.
Toujours dans le même musée, nous organisons une exposition sur Dimitri Planchon, un auteur français publié chez Glénat. La particularité de son œuvre est qu’il ne dessine pour ainsi dire pas. Son travail est basé sur un ensemble de collages photographiques à partir desquels il réalise ses BD.
Il y a aussi une quatrième exposition consacrée cette fois-ci à un Belge, flamand, Brecht Vandenbroucke, qui fait un très beau travail à l’acrylique. Enfin, Pierre Wazem a imaginé une exposition en hommage à l’illustrateur français Gus Bofa (1883-1968).
Parallèlement à ces événements consacrés aux auteurs, nous organisons aussi une exposition sur les flipbooks, des carnets à peine plus grands qu’une boite d’allumettes, que l’on situe à mi-chemin entre la BD et le cinéma d’animation.
Il y a aussi Les Jardins de la BD, c’est une exposition didactique pour les tout petits, mise en scène par Christophe Bertschy, afin de leur expliquer quels sont les codes de la BD.
Enfin, nous vous invitons à découvrir une exposition en 3D assez magique, mise en scène par un ancien lauréat de BD-FIL qui s’appelle Matthias Picard.
Pouvez-vous nous présenter les lauréats du concours "Nouveaux Monstres", que vous aviez organisé dans le cadre du festival BD-Fil ?
La gagnante du 1er prix est une jeune française, Marion Barraud. Le second lauréat est belge, Ben Baker. Enfin, celle qui arrive à la troisième marche du podium est une jeune Française, lausannoise d’adoption, qui répond au nom de Meili Gernet. Le but du concours était de réaliser une histoire complète tenant sur une seule planche, au format A3.
On a vu beaucoup d’enfants et beaucoup d’écoles visiter les expositions ce vendredi. Comment réagissent les jeunes lecteurs ? Vont-ils spontanément vers la BD ou est-ce au contraire une initiative des parents ? Quelle est votre analyse ?
Effectivement, nous constatons une érosion de la lecture de la BD chez les enfants mais c’est une érosion que nous constatons dans tous les domaines de la lecture. Les jeunes d’aujourd’hui ont énormément de distractions. Nous le savons, il y a les jeux vidéo, Internet, les réseaux sociaux, etc.
Néanmoins, je pense qu’il y a une lumière au bout du tunnel, une lumière incarnée par la création numérique. Je sais que cela fait peur à certain car nous avons tous appris à lire sur le support papier. Mais je pense qu’il y a des choses à faire dans ce domaine et tout le foisonnement de projets qui émergent ces dernières années me confortent dans mon avis, même si nous n’avons pas encore trouvé le modèle économique qui posera les fondations de cette nouvelle forme de production.
Cela fait près de dix ans que le festival BD-FIL existe. Pouvez-vous déjà faire un bilan ?
D’un point de vue économique, cela reste toujours un peu compliqué, car il s’agit d’un événement culturel. Nous essayons d’être généreux, d’être passeur. Ce n’est pas un festival commercial. Par exemple, nous n’avons pas les même objectifs que ceux d’Angoulême ou de Saint-Malo, car peu d’éditeurs viennent chez nous. BD-FIL est surtout un festival d’auteurs et d’expositions.
C’est un festival à taille humaine.
Nous voulons être le plus convivial et chaleureux possible avec notre public. Surtout, nous n’essayons non pas de regarder la BD comme un produit commercial mais avant tout comme un objet culturel, artistique et un média à part entière.
En terme d’évolution, bon an mal an, le festival a été crescendo et je pense qu’aujourd’hui nous avons atteint notre rythme de croisière et j’espère que nous arriverons à tenir le cap pour les années à venir.
Avez-vous le soutien des pouvoirs publics ?
Oui, énormément ! Notre budget s’élève à environ 600 000 euros et pratiquement 50% de celui-ci est assuré par la ville de Lausanne.
La Suisse est un pays multilingue. Posez-vous aussi un regard sur la production de BD réalisée par des auteurs de langues allemande, romanche et italienne ?
Oui et non... Il faut savoir que dans les autres régions linguistiques de la Suisse, la BD est moins populaire. La partie francophone de notre pays participe à la BD franco-belge mais, en Allemagne, la BD n’est pas aussi appréciée qu’en Belgique ou en France. La production italienne a connu des hauts et des bas. La plupart des auteurs de ces pays-là, en y ajoutant l’Espagne, viennent travailler en Belgique, en France et en Suisse francophone.
Tout cela pour dire, que les autres régions linguistiques de la Suisse sont fortement influencées parce que se passe dans les pays voisins dont ils partagent la langue. Toutefois, j’invite régulièrement des auteurs alémaniques [1] à se joindre à nous, c’était le cas l’année passée. Accessoirement, Enrico Marini est italien mais il vit en Suisse alémanique.
Enfin, dans le cadre du festival BD-FIL, nous essayons toujours de mettre l’accent sur ce que le public aime ou sur ce qu’il pourrait aimer.
Voir en ligne : Festival BD-Fil
(par Christian MISSIA DIO)
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Festival BD-FIL
Du 13 au 16 septembre 2013
Place de la Cathédrale 12,
CH 1005 Lausanne (Suisse)
Tel : +41 (0)21 312 78 10
Fax : +41 (0)21 312 78 11
info@bdfil.ch
Photos : Christian Missa Dio
[1] De Suisse alémanique ou Suisse allemande.