Entre tous les acteurs qui sont apparus récemment, pourquoi avoir choisi Extra Live et son portail Choyooz pour diffuser vos BD sur les mobiles ?
D’abord, ils ont été les premiers à me présenter un projet qui tenait la route, et puis, c’est très important dans les affaires, il y a l’aspect relationnel qui est entré en jeu. Nous étions relativement sur la même longueur d’onde, donc pourquoi pas ? Aujourd’hui, tout le monde se cherche dans ce domaine là, que ça soit les opérateurs ou les pourvoyeurs comme eux. Je démarre avec eux, mais je ne leur ai pas cédé tout mon catalogue. Il y a une exclusivité sur un certain nombre de titres. On verra comment ça se passe au fil du temps.
Quel a été le critère de choix des albums ?
Je ne voulais pas mettre d’un seul coup sur mobile un album de 46 pages. J’ai donc axé mon choix sur les albums qui ont des chapitres, à l’instar des mangas. Pour la série My Way, les chapitres peuvent même être lus indépendamment les uns des autres. C’est encore plus intéressant pour nous. Les gens ne sont pas obligés de tout télécharger pour comprendre. C’est important pour le coût. On fait beaucoup d’albums couleur, et chez nous c’est au moins 12,50 €. Un lecteur manga a l’habitude de payer ses albums noir et blanc 4 ou 5 €, ce qui est déjà une dépense non négligeable. On peut envisager sur certains albums un découpage qui permet de télécharger par morceaux et de pouvoir entrer dans le catalogue avec un coût très inférieur.
Le communiqué de presse indique une diffusion sur les téléphones mobiles européens. Il y a des projets de traduction ?
Dans les négociations que Choyooz mène avec les opérateurs, il y a des portes ouvertes vers les partenaires d’Orange ou SFR dans les autres pays. C’est à voir. Pour l’instant, rien n’est pas signé, mais c’est envisagé.
Et en France, vous serez diffusé par qui ?
Pour l’instant, Bouygues, iPhone, avec qui nous négocions directement, et un certain nombre de petits opérateurs.
Vos albums sont très graphiques. Vous ne craignez pas qu’il y ait une perte dans la représentation de ces images superbes sur mobile parce qu’elles sont découpées ?
C’est le risque. On a essayé de choisir des albums où les cases n’étaient pas trop entrelacées pour éviter ce genre de problèmes. Mais dans Butterfly par exemple, il y a des images qui ne sont pas toujours découpées en cases. De toutes façons, les mangas ont le même problème. Il y a beaucoup de pleines pages, de cases imbriquées. Et puis il y a une chose qui va manquer, c’est le sens de lecture, l’agencement des cases dans la page. Je ne sais pas comment les lecteurs vont réagir.
Et pour l’instant, vous n’avez pas idée de demander à des auteurs de créer spécifiquement pour le téléphone mobile ?
Si, bien sûr. Effectivement, c’est un média qu’il faut utiliser en tant que tel. Avec le mobile, on peut revenir aux concepts du grand strip ou des histoires courtes. Mais pour le moment, il n’y a personne qui va s’amuser à amener des projets comme ça. Tant qu’on n’a pas un peu testé le marché. Et tant que tous les opérateurs ne sont pas entrés dans la danse, ce n’est pas la peine de venir avec des produits créés spécialement. Orange n’y est pas encore, SFR y va timidement. Il faut aussi attendre que tout le monde y soit parce que ça va créer une émulation entre les concurrents. Et je pense que si Orange attend, c’est pour voir ce que font les autres.
Et en Chine, il y a des perspectives ?
On en a déjà parlé avec certains de nos auteurs de créer spécialement des BD pour téléphone mobile pour le marché chinois. C’est dans un coin de nos têtes. J’ai un ou deux dessinateurs qui m’en ont parlé. Je vais les lancer dessus tranquillement. La diffusion sur mobile démarre aussi en Chine, mais tout ce qui touche aux produits culturels est très compliqué là bas. C’est encadré par l’Etat qui veut contrôler tout ce qui passe. C’est beaucoup plus difficile. Mais il y a des séries sur lesquelles on doit pouvoir travailler.
Pour en revenir à la France, est-ce qu’on a une estimation du chiffre de vente potentiel ?
C’est le brouillard complet. Personne n’est capable de le dire. Beaucoup de gens pensent que, si ça fait comme au Japon, ça va vite représenter des sommes non négligeables. Je ne suis pas sûr que ça fasse des gros chiffres d’affaire. Mon objectif est de faire de la diffusion et de la communication. De ne pas vendre trop cher des morceaux de BD et des BD entières si les gens accrochent. Avoir une large diffusion à bas coût. Mais je me trompe peut-être complètement.
Finalement, la version mobile est plutôt pour vous un outil de communication.
Complètement. C’est ce qu’on vise. Augmenter l’accès à notre catalogue de façon peu onéreuse. En tant qu’éditeur, le gros avantage que je trouve à ce media, c’est qu’il demande peu d’investissements. Un des coûts les plus lourds aujourd’hui en ce qui me concerne, c’est de financer les impressions, avec le risque que ça ne se vende pas. Là, vous pouvez monter le bouquin et faire une maquette, et ça, ce n’est pas ce qui coûte le plus cher. Et puis derrière, vous pouvez éventuellement faire des tests sur des séries. J’ai l’intention de m’en servir comme plateforme. Pour pouvoir tester les albums que je sais ultra-risqués, graphiquement très performant mais un peu en dehors du marché. On a une certaine partie du catalogue qui est comme ça. On peut faire un pré-test avant de l’envoyer chez les libraires. C’est facile à contrôler, il y a le nombre de gens qui cliquent.
Rassurez-nous, l’ambition n’est donc pas d’abandonner le papier.
Pas du tout. Pour moi, le mobile permettra d’expérimenter, de promouvoir, et pourquoi pas, de travailler le fond de catalogue. Des albums qui ne se vendent pas ou plus, qu’on a abandonnés, mais qu’on remet à disposition. Je pense qu’il y a des BD qu’on a sorties à une époque où le public n’était pas réceptif à ce qu’on faisait, on se faisait un peu tuer par le manga. Si je remets certains albums par ce biais là, je pense qu’ils peuvent avoir une seconde vie. C’est ce que je vais essayer de faire en tout cas. En revanche, pour tout ce qui marche bien, les stars de Xiao Pan, il n’est pas question de faire de la concurrence aux libraires. Il faut donner à ces derniers la priorité.
(par Thierry Lemaire)
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En médaillon, la couverture de certains albums Xiao Pan disponibles sur Choyooz.
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