Dans quelles circonstances a été fondé le festival de Solliès-Ville ?
Après avoir repris durant cinq ans le festival BD de Hyères (1984-1988), nous avons été contactés par le Maire de Solliès-Ville (commune où j’habitais et où je travaillais) pour y créer un nouveau festival. En 1989, naissait donc le festival BD de Solliès et nous y avons naturellement fait venir la plupart des auteurs que nous avions invités les années précédentes : Le Gall, Makyo, Loisel, Batem, Giraud, Arleston, Carrère, Denis, Berberian, Margerin, Cosey, Juillard, Boucq, Rossi….
Quel est son budget ?
Actuellement le budget tourne aux alentours de 100 000 euros, financé en partie par la mairie (25%), le Conseil Général du Var (20%), le Conseil Régional PACA, la DRAC, la Caisse d’Epargne Côte d’Azur, La Chambre de Commerce et Industrie du Var, et de nombreux petits sponsors privés ainsi que quelques recettes du festival.
Cela représente combien de personnes ?
Nous sommes quatre ou cinq bénévoles à l’année et environ dix en été, pour finir avec une équipe de trente bénévoles durant les trois jours de la manifestation.
Quel est le positionnement du festival par rapport aux autres grands événements de la BD en France ?
Il est très difficile de répondre à cette question. Car parle-t-on du nombre de visiteurs (20 à 25.000 sur trois jours à Solliès) ? Du nombre d’invités (un peu plus de 50 en moyenne, chaque année) ? Du prestige des auteurs invités (Moebius, Franquin, Zep, Gotlib, Spiegelman, Tardi, Bilal, Schuiten…. sont venus à Solliès) ?
En France, il y a Angoulême et Saint-Malo qui sont les deux poids lourds. Puis derrière, une querelle de clocher pour savoir qui est quoi, avec des nombres de visiteurs plus incroyables les uns que les autres. Mais il faut aussi dire que les chiffres annoncés servent à établir les subventions, souvent. De toute façon, dans un petit village médiéval de 500 habitants (2 000 habitants sur toute la commune), nous ne voulons et ne pouvons pas lutter avec les salons de grandes villes. Nous avons la chance qu’un excellent bouche à oreille se fasse parmi les auteurs. Et les grands noms qui se sont succédés ces dernières années, à Solliès, sont venus pour y retrouver des amis déjà invités.
Quels ont été les grands moments de ces 25 ans passés ?
La venue d’André Franquin a été un des moments forts. Moebius est venu à plusieurs reprises également et il nous a étonné en participant, en plus des dédicaces, à des match de foot, des promenades à cheval ou des baptêmes de plongée. La rencontre de Zep et Gotlib fut aussi un de nos très beaux souvenirs. L’année où Enki Bilal a dessiné l’affiche, proposé une magnifique expo de 50 originaux, fait une projection en plein air et gratuite de "Cinémonstre". Le concert de Zep auquel Jean-Jacques Goldman est venu assister incognito. Et enfin, pour les 20 ans de Solliès, la remise d’un prix spécial à Marcel Marlier, le dessinateur de Martine (cent millions d’albums vendus). C’était le premier prix de sa carrière. Et c’est François Boucq, un de ses grands admirateurs, qui le lui a donné...
La perception de la BD a-t-elle changé depuis 25 ans, tant du point de vue des auteurs que des institutionnels et du public ?
Il sortait 750 BD par an quand le festival a commencé. Il en sort plus de 4000 maintenant. La surproduction actuelle est une catastrophe pour les auteurs. Elle touche bien sûr les plus jeunes, mais fait du mal à tout le monde. Le fonds (qui était une sorte de retraite pour les plus anciens) ne se vend plus. Les contrats que les éditeurs proposent à la plupart des auteurs ne leur permettent plus de vivre de leur métier. La majorité des auteurs que j’entends sur le sujet me disent qu’ils vendent leurs planches moins cher qu’il y a 20 ans. Pourriez-vous citer une autre profession où les gens sont moins bien payés en 2013 qu’en 1990 ?
Quant aux festivals, leur prolifération met en péril l’existence de tous. Les institutionnels ont l’impression qu’on monte un festival d’un claquement de doigts. Les subventions sont à la baisse pour toutes les manifestations, car c’est toujours la même "somme culturelle" qu’on subdivise, de plus en plus.
Comment voyez vous l’avenir de la BD et d’un festival comme le vôtre ?
Je ne pense pas que les petits festivals vont survivre longtemps dans la grave crise économique que nous traversons. Dans le var, les festivals de théâtre, de jazz et autres, tombent comme des mouches. Cela va être le cas pour les salons de BD. Et toutes les institutions nous annoncent des baisses de subvention pour 2014.
Propos recueillis pas Didier Pasamonik
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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