Son chef-d’œuvre est incontestablement TNT en Amérique (Editions L’Ampoule, 2002) où il fait une relecture détournée des aventures d’un certain détective à la houppe aux ayants-droits vétilleux.
Dans Contre la bande dessinée (L’Association, 2008), il s’emploie également à déconstruire les codes d’un art populaire. Interrogation inlassable du médium de la bande dessinée, sa démarche est très proche de l’art contemporain. C’est pourquoi on le retrouve dans l’exposition Vraoum de 2009 à la Maison Rouge ainsi que dans celle de la Biennale d’Art contemporain du Havre qui aura lieu du 1er au 30 octobre prochain : Bande dessinée et art contemporain, la nouvelle scène de l’égalité. Rencontre.
Quand Jean-Marc Thévenet est venu vous voir pour exposer dans la Biennale d’art contemporain du Havre, est-ce que cela vous a étonné ?
Non, puisqu’il m’a contacté alors que j’exposais déjà dans une galerie d’art contemporain. Je suis à cheval entre la bande dessinée, l’édition et l’exposition d’art contemporain. J’expose depuis 2002, date à laquelle la Galerie Anne Barrault avait demandé aux membres de l’OuBaPo [1] de participer à une exposition. Suite à cela, on m’avait proposé de faire partie de cette galerie. En fait, ma démarche, même dans le milieu de la bande dessinée, a toujours été un peu à part, parce que mes livres ne ressemblaient pas à des livres classiques, chacun étant différent en fonction du sujet traité. Mais ce que j’expose dans des galeries d’art contemporain, ce ne sont pas du tout des bandes dessinées. Ce sont des séries de dessins qui peuvent éventuellement donner lieu à une publication.
Vous êtes reconnu dans le milieu de la bande dessinée puisque l’École Supérieure de l’Image à Angoulême (ESI) vous a distingué et a organisé pour vous une exposition lors de la dernière édition du Festival.
Je n’ai pas l’impression d’être reconnu, je suis plutôt en marge, ce qui me convient bien aussi. Dernièrement, j’ai rencontré un éditeur de bande dessinée qui a édité un de mes albums. Je lui ai donné mon nom : il ne me connaissait pas, il ne savait même pas que j’étais édité par lui...
Comment caractériseriez-vous votre travail ?
Mon travail se porte surtout au niveau de la recherche. En fonction du sujet que je traite, je mène un certain nombre de recherches graphiques et de là découle la forme même du livre. Il n’y a pas de stratégie, ni une volonté que le public reconnaisse mon travail. J’essaie d’être cohérent dans ma façon de penser, de travailler au niveau du dessin et de l’écriture. Après, il n’y a pas logique particulière. C’est pour cela que, même au sein de L’Association, mon éditeur le plus régulier, chacun de mes livres est différent dans la forme et dans le fond. Aujourd’hui, mon sujet principal, c’est quand même la bande dessinée. Je parle de la bande dessinée, de l’image, c’est cela mon sujet, un peu comme si j’étais un théoricien qui travaillait dessus. Sauf que je ne suis pas un théoricien, je suis un dessinateur-auteur mais en fait je réponds et j’essaie de réfléchir à des sujets donnés par le dessin.
C’est souvent assez ludique…
Oui. J’ai grandi avec Perec et l’OuLiPo. Maintenant que je fais partie de l’OuBaPo, il y a une sorte de jeu à base de contrainte, une sorte d’amusement.
L’exposition de planches de bande dessinée, très courante aujourd’hui, vous met un peu mal à l’aise ?
Non mais, pour moi, il est vrai que l’exposition de planches de bande dessinée en galerie, puis de vendre ces planches n’a pas franchement d’intérêt. Il y a là quelque chose de commercial où l’on vend à des collectionneurs des planches originales. Pour moi, l’intérêt de la bande dessinée, c’est au bout du compte le livre. Après, je trouve effectivement intéressant que l’on expose des planches dans des lieux tels que le Musée de la bande dessinée car c’est très intéressant de découvrir l’original, de voir comment se fabrique une bande dessinée. Mais après, si on entre dans une logique d’exposition et si l’on montre des dessins sur un mur, c’est plus compliqué. Actuellement, quand je fais mes dessins pour des centres d’art, des galeries, etc., je pense à la manière dont ils vont « tenir le mur ». Je fais une création originale qui peut donner lieu à un livre, mais pas toujours. Je pense d’ailleurs le projet édité de la même manière que l’exposition : ce n’est pas un catalogue de l’exposition. La forme du livre (sa texture, les pages de garde, etc. ) est en fonction du sujet que je traite.
Le livre est lui-même objet d’art…
Voilà, dans le sens que dans le domaine de l’édition, j’attache autant d’importance au livre que de la façon dont je vais montrer les dessins dans une exposition.
Par rapport l’exposition du Havre, le fait d’avoir des artistes aux préoccupations complètement azimutées par rapport aux vôtres, cela fait quoi ?
Cela me convient très bien car, justement, il y a toujours une certaine forme de porosité. J’ai toujours eu l’impression d’être un peu à l’extérieur du monde de la bande dessinée, d’être à l’extérieur du monde de l’art contemporain et d’autres lieux. Cela me plaît bien de naviguer dans ces lieux et de rester en marge, un petit peu étranger dans tous ces domaines. Je m’intéresse à ce qui se fait dans l’art contemporain, dans la bande dessinée, dans l’architecture… C’est naturel. On me demanderait de participer à un congrès de botanistes, cela me plairait car rien que l’idée surprenante me conviendrait. Si le dessin peut se déplacer dans tous ces domaines-là, pour moi, cela me convient.
Propos recueillis par Didier Pasamonik
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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[1] L’OuBaPo, acronyme d’Ouvroir de Bande-dessinée Potentielle, a été fondé en novembre 1992 et s’est fixé l’objectif de créer des bandes dessinées sous contrainte artistique volontaire à la manière de l’Oulipo, Ouvroir de Littérature Potentielle, initié par Raymond Queneau.
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