Vous reprenez l’attachant duo Elfe-humain du premier tome d’Elfes. Pourtant, la thématique est plus sombre que la précédente. Sachant que votre univers est maintenant bien installé, est-ce plus simple de proposer un récit dense, qui ne s’embarrasse plus d’introduction ?
Non, plus on avance, plus c’est compliqué. Il faut faire attention à tout : non seulement à ce que j’écris mais également aux univers dépeints dans les quatre autres Elfes.
Dorénavant, nous faisons face à un début d’invasion : les goules arrivent, dirigées par l’Elfe noir Lah’saa. Avec le tome 6, j’ai bloqué quelque peu l’invasion, mais je ne vais pas vous mentir, elle n’est arrêtée que provisoirement. Ensuite, Les goules risquent bien de déferler sur les prochains albums. Par sur tous, mais sur certains...
Dans votre galerie de personnages, vous reprenez notamment le savoureux Ork nécromancien. Est-ce une façon d’apporter un peu de légèreté à un récit plutôt noir ?
Oui, je trouve amusant qu’un Ork (qui appartient d’ordinaire à une tribu de gros bourrins) soit celui qui ait le plus d’humour et de légèreté. Finalement, le contre-emploi de ce personnage est ce qui m’intéresse le plus chez lui. J’ai du mal à m’en passer d’ailleurs. je crois que je l’aime bien !
Avec cette équipe de choc, on ne s’attendait pas à ce qu’ils affrontent un tel danger. L’invasion entamée dans ce tome 6 va donc s’épandre sur les autres albums, de quelle façon ?
Effectivement, l’ennemi va déferler sur les autres albums. un peu dans les prochains, beaucoup plus à partir du tome 11. Pour entrer dans le détail, le tome 7 continue sa propre intrigue car les Goules n’ont pas atteint les territoires des Elfes sylvains. Le tome 8 se passe bien avant l’intrigue du tome 6. Mais en revanche, il y a une référence en commun... Vous la découvrirez lorsque l’album sortira...
Concernant l’Elfes tome 9, j’ai demandé à Corbeyran de faire suite à mon récit du tome 6. L’invasion reprend et la ville de Cadanla est assiégée. Puis, nous avons un moment de repos avec le tome 10, la suite directe du tome 5. En revanche, à partir du tome 11, l’invasion se densifie et pénètre les univers de chacune des tribus.
Avec le recul, comment le public a-t-il accueilli les premiers tomes d’Elfes ?
L’accueil de la série Elfes est vraiment chaleureux. On m’en parle souvent. Je pense que nos lecteurs ont ressenti la sincérité de notre travail à tous et le plaisir que nous prenons à développer cet univers. Je n’avais pas d’attente spécifique mais comme j’écris pour être lu, vous imaginez bien que je ne peux que me réjouir que la série Elfes connaisse un tel succès.
De l’intrigue de La Mission des Elfes Bleus à World War Wolves (WWW), il n’y a qu’un pas, autant dans la thématique que dans le fait qu’ils ont un dessinateur commun. Commençons par les récits : on retrouve à nouveau la présentation d’une multitudes d’ennemis... plus vraiment humains. Est-ce pour vous le summum de la frayeur, des monstres qui ressemblent aux personnes que l’on a connues ?
Finalement, c’est vrai que World War Wolves et Elfes tome 6 sont très proches, puisque dans les deux cas, il y a une épidémie qui change les gens en monstres sanguinaires. Nous proposons des récits de type Survival. J’ignore si ce déferlement représente le summum de la frayeur, mais indéniablement, c’est une situation cauchemardesque idéale pour écrire un récit d’horreur post-apocalyptique. Je viens tout juste d’en prendre conscience, mais finalement il y a un peu de L’Invasion des profanateurs de sépulture dans World War Wolves.
Impossible de ne pas faire également un parallèle avec Walking Dead ! Pourtant, vous avez écrit WWW il y a quatre ans. Vous a-t-il fallu autant de temps pour trouver un dessinateur qui puisse réaliser autant de planches nécessaires à la construction de vos personnages ?
Disons plutôt qu’il y a eu naguère un dessinateur, très talentueux mais qui n’a pas cessé de me mener en bateau : « Ne t’inquiète pas JL, les pages vont arriver, je finis un travail et je m’y mets. » Et puis finalement, rien du tout pendant plus d’un an. J’ai donc demandé l’annulation du contrat et comme je m’entends à merveille avec Kyko Duarte, je lui ai proposé de s’y mettre. Le test a été concluant, nous nous sommes donc mis au travail ensemble.
Vous travaillez effectivement beaucoup avec Kyko Duarte actuellement, qui parvient à dessiner des univers très différents ! Comment pourriez-vous décrire votre collaboration ?
Kyko est un artiste épatant. On ne parle pas la même langue mais nous manipulons le même langage, celui du récit de genre. Quand j’énonce une idée, il sait immédiatement comment la traduire en dessin. Et sa facilité à raconter visuellement est rare. Je connais des dessinateurs de talent qui, malgré tout leur savoir-faire, ignorent comment mettre en scène une histoire de manière aussi efficace que Kyko Duarte. C’est du coup plus qu’agréable de travailler avec lui, car je me sens en confiance.
Concernant l’aspect psychologique de vos héros, Vous avez justement voulu vous démarquer de ce qui existait déjà. Pourquoi avez-vous porté votre choix sur un auteur (proche de vous ?), un réparateur qui peut vivre au milieu des loups, et un aveugle ?
Parce que dès le départ, j’ai souhaité raconter des choses que je connaissais, des situations que je vis, même s’il n’y a pas de loups-garous dans nos vies, pas encore ! Je voulais que certaines situations, certains dialogues soient plausibles. J’en ai assez de voir des acteurs de séries TV dire n’importe quoi ou nous faire des fausses scènes de disputes de couples. Les ados américains des séries ne sont pas plus crédibles. Je voulais décrire notre quotidien, mais dans un contexte post-apocalyptique.
Qu’est-ce qui vous attire dans ce type d’écriture : le fait d’imaginer comment des personnages doivent réinventer leur quotidien, la survie, bousculer les classes sociales et l’ordre de priorité de la société ?
Oui, tout cela. Imaginer comment des gens simples devraient s’adapter à un tel contexte est plutôt jouissif. Pour une fois que je raconte une histoire avec des personnages plus ou moins normaux dans une situation fantastique, j’en profite. À la base, je suis un lecteur de roman de type thriller et thriller fantastique. Du coup, développer WWW me donne la sensation d’être plongé dans ce que je sais faire de mieux.
Vous avez maintenu un format Comics à ce récit... Pour mieux guider le public, ou en raison de son rythme de lecture ?
Depuis toujours, je suis attiré par le format comics. Mes premières BD sont des comics et je suis beaucoup plus à l’aise avec ce format qu’avec le franco-belge. De plus, ce format est tellement pratique pour lire en vacances ou presque n’importe où. Mais je ne me suis pas facilité la vie : WWW en format franco-belge avait plus de chance de réussir qu’en format Comics, car actuellement les lecteurs ne se jettent pas dessus (sauf sur Walking Dead évidement). En même temps, où trouvez WWW chez les libraires ? Pas évident à classer.... Français ? Comics ?
Vous innovez en proposant des pages de textes, autant de témoignages des survivants pour crédibiliser votre récit. Faites-vous cela pour gagner du temps en relatant des épisodes qui auraient moins d’intérêt à être racontés en BD ?
Cela donne plus de corps à l’univers, plus de richesse. Je peux aller plus au fond de l’histoire. Cela diversifie aussi le nombre de points de vue, ce qui nous permet de mieux comprendre ce qui s’est passé pendant des mois tout en racontant le destin des héros. J’ajoute que j’ai toujours voulu écrire des romans, du coup, ça me permet de m’entraîner en attendant de faire le grand saut.
Vu le nombre de pages et le travail sur les Elfes bleus, quand le lecteur pourra-t-il espérer la suite de WWW ?
On fait de notre mieux. Nous assurons bien sûr en priorité l’album Elfes tome 11 pour Juin 2015 et nous travaillons en parallèle à World War Wolves tome 2 (dont une vingtaine de pages sont déjà terminées). Aux USA, les comics sont mensuels. Nous ne bénéficions pas de cet avantage, et il faut donc attendre la sortie des 112 pages d’un coup... Nous ferons notre possibilité pour sortir WWW T2 à la date anniversaire. C’est hélas très difficile de le réaliser plus vite.
Comptez-vous développer d’autres albums/récits sur ce type de thématique ?
Je n’ai qu’une autre série en cours dans French Comics. La difficulté que nous rencontrons dans l’implantation des nouveaux titres dans ce format ne nous permettent pas de développer plus pour le moment. Malgré tout, Hero corp T1 a été la seconde meilleure vente de comics en 2013 : c’est encourageant !
Propos recueillis par Charles-Louis Detournay
(par Charles-Louis Detournay)
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