Jean Daniel (95 ans aux chanterelles) est une des grandes figures intellectuelles de l’après-guerre en France. Proche à ses débuts d’Albert Camus et de Pierre Mendès-France, il est grand reporter dans L’Express de Françoise Giroud et de Jean-Jacques Servan-Schreiber et couvre la Guerre d’Algérie. Il est favorable aux négociations avec le FNL. Grande conscience de la gauche intellectuelle française, il rencontre notamment Kennedy et Castro et apprend l’assassinat du premier dans le bureau-même du président cubain. Il fonde avec Claude Perdriel Le Nouvel Observateur en 1964 où il engage Claire Bretécher et ses Frustrés à partir d’octobre 1973.
C’était une évidence pour vous de publier Claire Bretécher ?
Mais oui, elle était dans l’ADN du Nouvel Observateur : tout son humour, son esprit, sa cruauté, son érotisme, tout cela était dans l’ADN du journal. Quand elle est partie, une partie de notre ADN est parti avec elle.
La bande dessinée n’avait pas très bonne réputation en ce temps-là. Vous étiez un journal politique, sérieux...
Mais on n’était pas sérieux ! Ou plutôt, nous avions le sérieux ironique et particulier de Claire. Quand elle est arrivée, nous sommes devenus nous-mêmes. Je me souviens très bien de son premier dessin : elle se moquait du patron, de l’actionnaire du journal ! Et moi, je pensais la même chose qu’elle ! Elle n’a pas profité du journal, c’est nous qui avons profité d’elle !
Est-ce que la bande dessinée de Claire Bretécher, Les Frustrés, a fait vendre le journal ?
Oui, bien sûr. C’était une époque où curieusement -je vais vous dire une chose énorme !- on ne s’occupait pas d’argent. Les premiers numéros, on avait envie de les faire, c’est tout.
Est-ce que publier Les Frustrés étaient pour vous une façon de déconstruire les idéologies qui avaient été tellement importantes au moment de Mai 1968 ?
Vous le dites très bien, mon cher (rires), vous avez très bien formulé la situation, je suis preneur !
Il paraît que Roland Barthes a dit que Claire Bretécher était la meilleure sociologue de son temps. Est-ce vrai ?
Oui, quand il a dit cela, je l’ai rapporté dans l’éditorial. Je le cite régulièrement, récemment encore.
Vous l’avez entendu dire ?
Oui, oui, oui, oui. Pas une fois, plusieurs fois ! Il n’y a pas de question sur l’authenticité du mot.
Est-ce que vous avez suivi sa carrière, avant et après, L’Écho des Savanes, tout cela...
Non. Si ce n’était pas dans mon journal, je boudais.
CLAIRE BRETÉCHER : C’était avant, de toute façon !
Vous avez engagé Copi, Reiser. Avec Bretécher, vous engagez pour la première fois une femme. Ça changeait beaucoup les choses ?
Non, sauf que tout le monde voulait la courtiser !
Il faut dire qu’elle était particulièrement belle...
Elle EST toujours très belle !
CLAIRE BRETÉCHER : Cette blague !
Si vous deviez résumer Claire Bretécher en une phrase, vous diriez quoi ?
Elle n’a jamais cessé de me manquer.
Propos recueillis par Didier Pasamonik
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Exposition Claire Bretécher
Bibliothèque publique d’information (BPI) du Centre Pompidou,
Du lundi au vendredi 12h-22h, samedi et dimanche 11h-22h
Jusqu’au 8 février 2016.
Rue Beaubourg, 75004 Paris.
Entrée libre.
Le Site internet de l’événement
Exposition "Bretécher Dessineuse"
Huberty & Breyne Gallery
Du mercredi au samedi de 11H à 19H
Du 10 décembre 2015 au 16 janvier 2016
Entrée libre
Le Site internet de l’événement
Commander l’intégrale des Frustrés (Ed. Dargaud)chez Amazon
ou à la FNAC
En médaillon : Jean Daniel et Claire Bretécher. Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)
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