Qui est Bruno Racine et a-t-il des chances d’entrer dans la prestigieuse liste des Grands Prix du Festival d’Angoulême à la suite de Richard Corben, Rumiko Takahashi et Emmanuel Guibert ? Haut fonctionnaire et écrivain, il a notamment dirigé la Villa Médicis à Rome et présidé le Centre Georges-Pompidou ainsi que la Bibliothèque nationale de France. Homme de lettres plusieurs fois distingué, il a longtemps fréquenté les arcanes du pouvoir.
Ses liens avec la bande dessinée ? En février 2017, il est nommé président de l’Association pour la promotion de la bande dessinée à Angoulême fondée par le ministère de la Culture. Il est ensuite missionné pour rédiger un rapport sur la condition des autrices et des auteurs en France et émettre des propositions visant à répondre à leurs revendications. Il aura fallu de la patience pour pouvoir lire son travail, finalement publié à la veille de l’édition 2020 du Festival international de la bande dessinée.
Dense et documenté, son rapport confirme et appuie les ressentis exprimés par les auteurs. Surtout, il suggère vingt-trois propositions aptes à bouleverser la donne en renforçant les droits des auteurs et en ouvrant la voie à un meilleur cadre social pour la profession. Mais le « Rapport Racine » demeure une somme de propositions : c’est aux pouvoirs exécutif et législatif de lui donner corps.
Ce qui, aux dires de nombres d’auteurs, n’a pas été fait. Crise sanitaire, changement de ministre de la Culture, réticences du Syndicat national de l’édition... Les conditions ne semblent pas avoir été favorables à une réforme d’ampleur du statut des auteurs et de leur prise en charge sociale. Les représentants des auteurs, syndicats et collectifs, n’ont donc pas baissé la garde.
Ainsi du collectif AAA - Autrices Auteurs en Action - qui poursuit son travail depuis un an et demi. Fondé en janvier 2020 autour d’un groupe Facebook, il réunit aujourd’hui 1 200 autrices et auteurs [1] - scénaristes, dessinateurs, coloristes, traducteurs - et se structure peu à peu, sans pour autant avoir vocation à se substituer aux syndicats. Trois mots d’ordre réunissent les AAA : rémunération, représentation, statut.
Après une tribune et deux manifestations à Angoulême en 2020, d’abord dans les rues de la ville puis sur le scène du théâtre lors de la remise des Fauves, les AAA ont rendu publique une Charte des bonnes pratiques en festival. Plus médiatique encore : ils ont appelé au boycott du FIBD, qui devait se tenir en juin 2021. Leur dernière action en date : appeler à voter pour Bruno Racine comme prochain Grand Prix du festival d’Angoulême.
Depuis 2016, tout créateur de bande dessinée publié chez un éditeur francophone peut voter pour trois auteurs de son choix. Dans la journée qui a suivi l’ouverture de ce scrutin électronique, le collectif AAA a demandé aux votants de donner leurs trois voix à Bruno Racine, en signe de mécontentement face à ce qu’il considère comme un enterrement du rapport. Franck Bondoux, délégué général de la société 9eArt+ qui gère le festival, s’est rapidement exprimé pour souligner sa position sur le sujet :
« L’ouverture du vote pour la désignation du Grand Prix 2021 du Festival international de la bande dessinée d’Angoulême a débuté le jeudi 27 juin. En l’espace d’un peu plus de 24h00 les auteurs ont déjà voté en nombre. Conformément à la finalité de cette désignation, leurs votes se sont portés très majoritairement sur des noms d’auteurs de bande dessinée. Des votes en nombre limité (par rapport à l’ensemble des votants à ce jour) ont indiqué des noms qui ne sont pas des noms d’auteurs de bande dessinée. Ces votes ne seront évidemment pas comptabilisés. »
Pourquoi mener une action une nouvelle fois liée au FIBD ? Que souhaitent les AAA ? Nous avons rencontré deux membres de la commission de coordination du collectif, Marie Bardiaux Vaïente, historienne, scénariste et membre du Collectif des créatrices de bande dessinée contre le sexisme, et Cédric Mayen, également scénariste.
(par Frédéric HOJLO)
(par François RISSEL)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Un entretien de Frédéric Hojlo, avec l’aide technique de François Rissel.
Consulter le site du Collectif Autrices Auteurs en Action.
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[1] Très exactement 1 149 personnes sont inscrites à ce groupe dit privé au 2 juin 2021.
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