Elle sait parler, alors elle parle. Elle nous a reçue dans son petit appartement -celui que sa famille occupait avant la guerre- avec une bonne humeur communicative. Alors oui, cette bande dessinée-là. Celle de Victor… Victor Matet, journaliste à France Info, qui a réalisé plusieurs reportages sur Ginette pour la radio. Et qui s’est demandé ensuite si cela ne pouvait pas faire l’objet d’une bande dessinée. Évidemment que l’on pense à Jean-David Morvan dans ce cas-là. Ce serait pour lui un prolongement à ses autres BD sur la Seconde Guerre mondiale : Irena, Simone, Madeleine Résistante, Les Amis de Spirou… Autant d’œuvres où le travail de mémoire est important, exemplaire. Des succès de librairies aussi. J-D hésite… trois secondes, assiste à une conférence de Ginette au Mémorial face à une centaine de profs, puis l’accompagne avec un groupe d’étudiants à Auschwitz / Birkenau !
Birkenau ! Un camp de mise à mort nazi en Pologne, près de Cracovie, où Ginette et plusieurs membres de sa famille, dont son père et son frère, sont envoyés en 1944. Elle est aujourd’hui la seule rescapée de sa famille. Depuis quelques années, elle s’y rend avec des groupes pour témoigner, arpenter ce lieu dont les baraquements s’étiraient à perte de vue, où des milliers de gens se sont retrouvés en esclavage, et des millions d’autres se faisaient assassiner, parce que, comme Ginette, ils étaient juifs.
Le fil de l’album suit son récit fidèlement, accompagnant ses pauses, ses essoufflements, illustrant d’images les souvenirs -flash-backs précis- de son passage en enfer. Il n’y a rien de traumatisant dans ces images, on peut les mettre dans les mains des jeunes gens. Les dessins de Cesc et Efa, soutenus par une mise en couleurs de Roger tout en douceur, évitent les images choquantes, sans rien éluder cependant.
Lisez l’album après avoir vu ce film. La voix de Ginette viendra s’imprimer naturellement sur votre lecture silencieuse. L’entretien se termine, sans ennui. On a un peu de scrupules à fatiguer cette vieille dame. Fatiguée ? Que nenni ! Elle nous confesse cependant qu’elle n’ira plus à Birkenau. C’est trop d’énergie, il faut qu’elle se ménage. D’où le titre de l’album. On la comprend. Et, recueillant son précieux témoignage, nous prenons conscience qu’à notre tour nous devenons témoins.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
(par Marguerite VALIERE)
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Ginette Kolinka : Adieu Birkenau : une survivante d’Auschwitz raconte… – Par Jean-David Morvan, Victor Matet (scénario), Cesc et Efa (Dessins) et Roger (Couleurs) – Dossier documentaire final « Ginette Kolinka, itinéraire d’une survivante » par Tal Bruttmann.