Quelle était l’idée derrière ce nouvel album ?
Bourgeon : C’était d’abord de terminer Le Cycle de Cyann et celui-ci en est l’avant-dernier chapitre. Cette série est divisée en différentes parties : il y a d’abord les deux premiers tomes qui forment une petite entité ; puis la série part dans une sorte de voyage spatio-temporel, qui fera évoluer psychologiquement le personnage de Cyann.
Au début, Cyann Olsimar est vraiment un être infect mais elle s’humanisera au fur et à mesure de ses aventures. Elle s’engage ensuite dans une aventure spatio-temporelle qu’elle ne maîtrise pas très bien mais qu’elle effectue dans le but de sauver sa sœur décédée. Même si sa démarche est noble, tous ces aller-retour ne seront pas sans conséquences et c’est exactement que nous découvrirons dans cette histoire.
Nous travaillons toujours de la même façon Claude Lacroix et moi : je fais le scénario et le dessin et Claude intervient dans l’histoire et les dialogues. Il apporte ainsi un complément qualitatif dans l’élaboration de l’album. Il intervient aussi dans la création de nouvelles planètes. Dans ces cas là, nous nous répartissons les tâches. L’un s’occupera de l’architecture des villes, tandis que l’autre créera la faune et la flore. Puis nous essaierons de définir les costumes des personnages, les traditions et les mœurs de ces sociétés, etc.
Il y a aussi un côté flashback dans votre histoire ; des personnages qui apparaissent, d’autres disparaissent.
Bourgeon : C’était une démarche nécessaire pour l’histoire. Cyann a quitté Olh lorsqu’elle avait 19 ans, puis elle revient à peine deux ans plus tard mais elle se rend compte que le temps ne s’est pas écoulé de la même manière sur sa planète natale car elle retrouve une amie vieillie de 60 ans. Elle arrive trop tard pour sauver sa sœur puisque on lui apprend que celle-ci a été assassinée. Cyann repart alors dans l’Entretemps, un vaisseau qui peut voyager à travers le temps et l’espace sans utiliser le réseau de l’ancien empire.
Le personnage de Cyann est très différent de héros vertueux tels que Tintin ou Thorgal car au début de ses aventures, elle était très antipathique. Puis, elle s’humanise au fil des albums. Aujourd’hui, créer des personnages plus « humains » est une démarche qui s’est complètement banalisée dans la BD.
Bourgeon : Les précurseurs de cette tendance sont des auteurs comme Hugo Pratt qui a révolutionné le genre avec La Ballade de la mer salée. C’est une tendance qui existait déjà dans le roman mais pas encore dans la bande dessinée. Aujourd’hui, beaucoup d’auteurs travaillent de cette manière. C’est aussi l’époque qui veut cela. À ce propos, un de mes derniers coups de cœur en matière de bande dessinée, c’est Blast de Manu Larcenet. Il a une écriture de romancier alors que c’est une BD !
J’aime mon métier pour ça : c’est un métier de narrateur. J’écris, je dessine et je raconte une histoire qui, je l’espère, plaira aux gens.
Vous avez fait votre grand retour dans la bande dessinée en 2009, aux éditions 12Bis. Vous avez d’abord conclu votre série des Passagers du vent - Nouvelle époque en produisant La Petite fille Bois-Caïman et aujourd’hui, vous sortez ce nouvel épisode du Cycle de Cyann. Cette série a maintenant 30 ans. Selon vous, quelle place occupe-t-elle dans le cœur du public ?
Bourgeon : Dans le cœur du public, je ne sais pas. Le principal pour moi c’est de raconter une histoire qui me plait à moi, qui plait à Claude Lacroix et de prendre du plaisir en la réalisant. Si une histoire ne plait pas aux auteurs, celle-ci a très peu de chance de plaire au public ! En ce qui concerne le succès, il n’y a pas de recette miracle. On peut travailler sur une BD comme on veut et y mettre tout son cœur. Pourtant, rien ne garantit qu’elle aura du succès. Donc, je préfère ne pas me focaliser sur cet aspect là.
Toutefois, je constate que malgré le temps qui passe et le long hiatus qui s’est produit dans cette série, j’ai quand même retrouvé tous mes lecteurs. Je me rends compte que les gens sont patients. Le cinéaste Stanley Kubrick ne faisait un film que tous les cinq ans et il retrouvait malgré tout son public. Le public quitte un auteur comme il quitte un ami et il est content de le retrouver à son retour. C’est un peu l’impression que j’ai, mais je ne m’avancerai pas à dire que c’est toujours comme cela (rires). D’un autre côté, une série bien installée peut aussi rencontrer de nouveaux lecteurs.
Ce qui est bien avec 12Bis c’est que nous avons pu reprendre le fond de mon catalogue à mes anciens éditeurs pour republier mes albums avec une nouvelle maquette.
Votre retour au 9e art correspond au lancement de 12Bis. Vous êtes en quelque sorte le pilier de cette maison d’édition.
Bourgeon : Il est évident qu’un auteur qui a des albums qui se vendent bien est important pour une maison d’édition qui n’a que quelques années d’existence. Maintenant, je ne joue pas le rôle de pilier chez 12Bis, même si je suis très attaché à la qualité des auteurs qui signent chez eux. Ce qui est important pour moi, c’est la relation qu’entretient un auteur avec son éditeur. Ce que j’aime dans une petite structure comme 12Bis c’est que je retrouve un climat de travaille que j’ai découvert à mes débuts dans la BD et que j’ai profondément aimé. Ma période préférée restant mon passage chez Casterman, à l’époque de la revue (À suivre). Il y avait une petite équipe très performante qui savait accompagner les auteurs. C’est exactement ce que je retrouve chez 12Bis. C’est une société qui compte dix personnes professionnelles et qui sont toujours disponibles pour leurs auteurs. Pour quelqu’un comme moi, c’est très important d’avoir de bonnes relations humaines avec son éditeur et je n’aime pas être dans une équipe où vous ne connaissez même pas le visage de vos interlocuteurs.
Quels sont vos prochains projets ?
Bourgeon : La fin du Cycle de Cyann. Il est bien entamé : j’ai un crayonné d’une trentaine de planches que j’ai encrées. Ensuite, je ne sais pas. J’ai plusieurs projets en tête dont un qui m’obligera à sortir de chez moi pour faire des repérages.
(par Christian MISSIA DIO)
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