Quel bilan tirez-vous de cette septième édition du FIBDA ?
Dalila Nadjem : Dans l’ensemble, ce fut une belle édition. Le FIBDA avance dans de bonnes conditions. Tous nos objectifs ont été atteints pour la septième édition. Le public a triplé par rapport à 2013. La température était clémente. Mon comité d’organisation et moi-même sommes satisfaits de cette édition.
Votre festival a mis à l’honneur la BD Brésilienne cette année. Pourquoi ce choix ?
Tout simplement parce que c’est un pays qui a une culture profusément riche. La bande dessinée est un art populaire, considérablement ancien avec des thèmes qui interpellent les Brésiliens. La série Monica de Mauricio de Sousa est une légende vivante des “quadrinhos”. Mais, comme il y a eu également la Coupe du monde du football qui a réuni tous les joueurs du monde entier, notre idée était de faire également une rencontre mondiale. Pourquoi ne pas instituer la Coupe du monde du 9e art ? C’est ce que nous avons réalisé, une rencontre internationale d’auteurs et d’artistes à Alger.
Comment se porte le marché de la BD dans votre pays en 2014 ?
En fait, la BD revit depuis quelques années seulement. Le FIBDA a été le fédérateur de cette reviviscence et le marché se développe doucement. Les auteurs existent, les lecteurs également. Maintenant, il faut encore quelques années afin que tous les mécanismes se mettent en place. C’est-à-dire les réseaux de diffusion et de distribution, des librairies spécialisées, les achats de droits etc. Tout évolue dans le bon sens.
En 2011, le dessinateur Slim nous confiait que la presse algérienne diffusait peu de BD dans ses pages. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Je dirais plutôt que ce n’est pas la presse qui refuse la diffusion de BD. Je pense que le problème à l’époque tenait du fait qu’il n’y avait pas ou peu de production... Mais aujourd’hui, regardez, la plupart des journaux à l’instar d’El Watan publie des strips ! Les dessinateurs s’expriment !
Comment est perçu le FIBDA par l’État algérien et de quelle manière soutient-il cet événement ?
Le Festival est sous la tutelle du ministère de la culture et heureusement d’ailleurs. L’État soutient toutes les activités culturelles en général et le neuvième art en particulier, comme cela se procède dans plusieurs pays occidentaux. La plus grande partie du budget est attribuée par le Ministère de la culture et nous avons quelques mécènes et sponsors qui appuient également les activités du festival. Donc, c’est un événement soutenu, encouragé, populaire et de surcroît grandiose !
Malgré le potentiel touristique de l’Algérie, ce secteur d’activité n’est pas encore arrivé à maturité dans votre pays, à cause notamment de la période d’insécurité au débuts des années 1990. Le FIBDA joue t-il un rôle dans la promotion du tourisme en Algérie ?
Tous les invités, qu’ils soient auteurs, éditeurs ou encore conférenciers ont une bonne appréciation de notre pays. Mis à part cela, quels sont aujourd’hui les pays où la sécurité règne ? Vous-même, qu’en pensez-vous ?
Durant le festival d’Alger, l’actualité à été malheureusement marquée par l’exécution de l’otage français Hervé Gourdel. Comment a réagi le festival et qu’avez-vous mis en place pour renforcer la sécurité de vos invités et du public ?
Effectivement, ce fut un moment très éprouvant et tout le monde, tout le peuple algérien, a été sous le choc suite à cette situation tragique. Vous avez pu le constater vous-même : durant toute une décennie, nous, le peuple algérien, avons lutté seul contre cette “bête immonde” qu’est le terrorisme.
Aujourd’hui, il s’avère que c’est un phénomène international et qu’aucun pays n’est épargné. Nous continuerons à lutter, à nous défendre et la culture est là justement pour le démontrer.
Malgré cette tragédie, le public algérois semble avoir réagi avec calme face à cet événement. “L’Algérie ce n’est pas l’Afghanistan”, nous disait-on. Néanmoins, l’industrie de la BD algérienne est-elle encore inquiétée par la menace potentielle des extrémistes ?
La réponse est dans votre question. Les festivaliers ont bien réagi et leurs réponses sont parfaitement brillantes et cartésiennes. La culture en général et la bande dessinée en particulier en sont le moyen, je dirais même l’arme, la plus à même d’assurer un équilibre et une défense contre ces menaces et nous continuerons à nous exprimer ainsi. L’industrie de la BD a de beaux jours devant elle.
Vous êtes la Directrice des Éditions Dalimen et la Commissaire du FIBDA. Comment cela est-il perçu chez les autres éditeurs algériens ? Quelles sont vos relations avec eux ?
Posez-leur la question ! Je ne comprends pas l’intérêt de votre question, et concernant ma relation avec les éditeurs, je dirais que nous sommes tous très solidaires.
Pourriez-vous nous parler du livre de Mahmoud Benameur, Safia et Soumeya Ouarezki pour Fatma N’parapli, qui avait déjà été primé l’an dernier et qui a reçu cette année le prix du meilleur album international en langue nationale ?
Je dirais que c’est un excellent album, que le prix est mérité. L’histoire est réelle. Ce qui est intéressant est le fait que la jeunesse d’aujourd’hui s’approprie le passé de leurs aïeuls et que ces jeunes auteurs la restituent de façon très originale et surtout avec beaucoup de sentiments. Cet album en est l’exemple. La nouvelle génération d’auteurs algériens a de vraies histoires à raconter, c’est ce qui fait la particularité de l’évolution de la bande dessinée en Algérie. Actuellement, nous sommes en discussion avec trois maisons d’édition françaises qui souhaitent acheter les droits de l’album. Et bien entendu, il est en cours de traduction.
Avez-vous déjà une idée de la thématique de l’édition 2015 de votre festival ?
Oui, mais il est encore trop tôt pour en parler maintenant. Je vous informerai au moment opportun.
Voir en ligne : Le site du FIBDA
(par Christian MISSIA DIO)
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En médaillon : Dalila Nadjem. Ph : Didier Pasamonik
Les autres photos sont de Christian Missia Dio
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