Tu viens d’achever ta trilogie Rosalie Blum. Sans faire de bruit, tu as réalisé six albums en six ans. Le secret de ta régularité, c’est ta discrétion ?
Effectivement, j’ai réalisé six albums en six ans, sans compter ceux dont j’ai seulement fait les illustrations. Certains sont de tous petits albums comme Peau d’ours, d’autres beaucoup plus importants comme les trois Rosalie Blum, ça demande plus ou moins de temps et d’investissement selon les projets. Au final, ça a l’air régulier, oui peut-être, je ne me rends pas compte. En fait, je dois bien avouer qu’il y a quand même des périodes où je suis plus productive que d’autres !
Pour ce qui est de la discrétion... c’est vrai que je n’ai pas l’habitude de crier très fort pour être vue mais il y a quand même eu pas mal d’articles dans la presse, surtout depuis Rosalie Blum.
Si tu le veux bien, passons en revue ta bibliographie. Ta première bande dessinée paraît en 2004 : Une araignée, des tagliatelles et au lit, tu parles d’une vie !. Derrière ce titre délicieux, tu déroules des portraits de personnages fantasques qui ont un lien entre eux, avec des histoires enchâssées dans l’histoire. En cinéma, on parlerait d’un film choral. C’était ton but dans ce livre ?
Oui et non. Disons que ça s’est fait plus ou moins tout seul. J’avais plusieurs petites histoires en tête et j’ai eu envie de les faire se croiser entre elles. C’est vrai que j’aime bien ce principe de mise en abyme : l’histoire dans l’histoire... Je ne saurais pas dire pourquoi. On retrouve d’ailleurs un peu ça dans les Rosalie Blum, avec les différents points de vue.
Dans ce premier album, tu n’utilises pas de cases et tu mets en couleurs à l’aquarelle. On ne peut pas dire que tu choisis la facilité pour tes débuts…
Je ne trouve pas que la couleur à l’aquarelle et le fait qu’il n’y ait pas de cases soit plus difficile qu’autre chose. J’ai fait ça comme j’avais envie sans me demander si ça se faisait ou pas. Ce premier album était mon projet de diplôme à l’école des Beaux-Arts d’Épinal. Je ne
pensais pas qu’il serait un jour publié, alors je l’ai fait seulement en me faisant plaisir, sans contrainte
Alors, après cette histoire où il était beaucoup question de l’inspiration des écrivains, tu publies Séraphine, ou le charme incertain. Dans la forme, c’est un livre illustré, il n’y a toujours pas de cases. C’est un conte qui semble affirmer ton goût pour les personnages féeriques…
Oui, là c’est un album illustré, plus classique dans sa forme : le texte d’un côté, mes images de l’autre. Les personnages de ce livre sont moins ancrés dans la réalité que ceux de mes BD, il s’agit effectivement de personnages féeriques. On est dans un conte : tout est possible et imaginable...
En 2006, paraît Peau d’ours, un exercice de style puisque c’est un petit livre rose sans dialogues. Raconter une histoire sans écrire le moindre mot, c’est ce qu’il y a de plus difficile, car on ne peut s’appuyer que sur son dessin. Qu’en penses-tu ?
C’est vrai, ce n’est pas ce qu’il y a de plus simple. Faire comprendre ce que l’on veut dire avec seulement des images... Mais je trouve que c’est vraiment intéressant de le faire. Souvent lorsqu’on me questionne sur mon travail on me demande : « Est-ce que vous préférez écrire ou dessiner ? » ou bien : « Par quoi commencez vous ? Par l’écriture ou par le dessin ? ». En général, je réponds que pour moi ces deux choses sont très liées : dessiner, c’est raconter. Peau d’ours montre bien cette idée : il n’y a pas de textes et pourtant, il y a bien une histoire. J’aimerais bien recommencer un livre sur ce principe.
En 2007, tu entames ta trilogie Rosalie Blum. C’est un travail de longue haleine vu que tu vas y passer trois ans. Ce qui impressionne, c’est que tu t’amuses avec les moyens narratifs. Les deux premiers volumes sont en fait la même histoire, vue par deux personnages différents. Les as-tu écrits en même temps ?
Oui, j’ai écrit l’ensemble de l’histoire avant de commencer les dessins du tome 1. C’est une histoire où tout s’imbrique avec des retours en arrière... J’étais obligée d’avoir écrit la totalité du scénario avant de rentrer dans les détails tome par tome. L’épilogue du dernier livre explique un tas de choses sur les personnages, notamment le cauchemar que le héros fait au tout début de l’histoire. Il y a des scènes qui sont les mêmes dans le tome 1 et le tome 2 mais elles sont montrées par deux point de vue différents. Je savais forcément que ces scènes se retrouveraient dans le deuxième tome au moment où j’écrivais le premier.
Les trois personnages principaux de Rosalie Blum sont assez solitaires et mélancoliques. Comment t’y prends-tu pour qu’on ressente une réelle empathie à leur égard ?
C’est difficile à dire. J’essaie de bien cerner mes personnages, leur construire une personnalité qui se tient. J’adore travailler sur la psychologie des personnages, je leur invente une vie : qui ils sont,
qu’est-ce qu’ils aiment, quelle est leur histoire, leur passé, quel lien ils ont avec leur famille... j’étoffe leur personnalité et, au bout d’un moment, ils finissent par exister d’eux-mêmes. Et parfois par m’échapper...
Quel est ton prochain projet en bande dessinée ?
Franchement je ne sais pas encore. J’ai hâte de me remettre à écrire. Mais pour l’instant, je n’ai pas trouvé le temps de m’y remettre. Je crois qu’il me faut un peu de temps avant de passer à autre chose.
Pour conclure, je te pose notre question rituelle : quel est le livre qui t’a donné envie de faire ce métier ?
Il n’y en a pas un en particulier mais des tas. Et pas seulement des livres mais des films aussi. La fiction en général. J’ai toujours eu envie de raconter des histoires.
(par Morgan Di Salvia)
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En médaillon : Camille Jourdy. Photo DR
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