30 ans, c’est l’âge de raison ?
30 ans, ça peut être pris comme une commémoration ou comme un anniversaire. Je ne me soucie pas tellement du passé. Pour moi, quand on fête son anniversaire à 30 ans, on est plein d’espérance et de vitalité. L’avenir est devant soi et pas derrière. Donc je suis plus « champagne » que « monument aux morts » !
Comment expliquez-vous la longévité de Fluide Glacial ?
C’est un magazine d’humour. Le genre même du burlesque et du crétinisme joyeux en dessin, qui est un créneau particulier. Fluide a su se renouveler constamment dans cette tradition de dessin d’humour existant en France, en Suisse et en Belgique. Fluide évoque un glorieux passé... seulement pour les personnes qui ne le lisent plus ! On peut pas rester dans les fausses audaces du passé. La venue d’auteurs comme Sattouf , König, Lindingre infléchit l’esprit de Fluide et lui permet de continuer à creuser son sillon de l’humour. La difficulté c’est d’être novateur dans un domaine qui est le propre de le l’homme, c’est-à-dire le rire...
Maëster et Coyotte quittent Fluide Glacial, vous vous êtes fachés ?
La ligne éditoriale ne convient plus à Coyotte. Il trouve qu’il y a trop de dessinateurs de presse comme Luz, Charb, Lindingre... il ne comprend pas qu’aujourd’hui le dessin d’humour englobe aussi ce genre. Bien sûr, il nous faut toujours des histoires de cinq, six pages dans le journal mais c’est travailler pour l’avenir que d’accueillir ce type d’auteurs. A cela, se rajoute des histoires d’incompatibilité d’humeur avec certaines personnes (pas moi !)
Il y a deux ans, j’ai dit à Maëster de confronter son personnage de Sœur Marie-Thérèse à des mollahs et des ayatollahs. Il a refusé. Aujourd’hui, je constate que Pétillon le fait. Ce qu’il prépare sur le voile risque de rencontrer le même succès que l’Enquête Corse.
Mais je pense qu’ils font une erreur, car leur place naturelle est chez Fluide. Maintenant, ils sont libres de se sentir mieux chez Albin Michel (Maëster) et au Lombard (Coyotte). Mais c’est triste car ces ceux auteurs ont énormément apporté au journal.
Ils partent avec leurs personnages Sœur Marie-Thérèse et Little Kevin ?
Oui, bien sûr !
Vous amenez la couleur dans Fluide, c’était une évolution incontournable ?
Personnellement, je m’ennuyais à lire Fluide en noir et blanc. Aujourd’hui, un magazine de bande dessinée d’humour sans la couleur, c’est inconcevable. Ce qui n’empêche absolument pas certains auteurs de garder le noir et blanc. Dans le cas de Goossens et de Binet, leurs « noir et blanc » sont encore plus beaux car l’impression quadri améliore le contraste. C’est bénéfique pour tout le monde. Edika en couleur, c’est quand même magnifique !
Vous avez aussi changé la maquette...
A mes yeux, le paradoxe de Fluide, c’était un contenu qui se voulait humoristique et une forme de « faire-part de décès ». Aujourd’hui, les abonnements augmentent (15000 environ) et la vente en kiosque tourne entre 40000 et 60000, parfois plus sur certains numéros. Les Hors-série fonctionnent bien.
Tout est parfait ?
Non, je trouve que nos couvertures sont archaïques, d’une autre époque. C’est un grand débat que nous avons au sein du journal. Pour moi, la couverture, c’est la vitrine. Le lecteur peut acheter un magazine uniquement sur l’effet que lui procure la couv. Zep me disait qu’il achetait Fluide uniquement quand la couverture l’accrochait ! Il faut aussi qu’à l’intérieur du journal, des pages fassent écho à cette couverture. C’est essentiel qu’il y ait un jeu entre la « façade » et le contenu. Il y a 3000 titres en kiosque tous les mois. Il faut donc se démarquer si l’on veut être visible.
Le fait d’être adossé au groupe Flammarion a-t-il une incidence sur le journal ?
Non, pas du tout. Ou plutôt si ! Cela permet de payer les auteurs décemment ! Sinon, nous avons une liberté éditoriale totale.
(par Laurent Boileau)
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photos © Nicolas Anspach
Fluide Glacial : numéro anniversaire n°348
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